Aphrodite et Minos

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Lundi 11 janvier

Ayoros était furieux. Tellement furieux. Il n'avait même pas pris la peine de convoquer les jeunes gens pour leurs absences nocturnes de leurs foyers. Ils s'y étaient attendus pourtant. Bien sûr, ils s'étaient fait réprimander par leurs gérants respectifs mais c'était tout. Aucune visite dans le bureau du surveillant général.

Non, à la place c'est son frère qu'Ayoros avait convoqué. Ayor ne comprenait pas trop la colère de celui-ci. Alors il avait subi ses foudres sans broncher, sans même chercher à se défendre.

- Etait-ce vraiment nécessaire, Ayoros ? lui demanda-t-elle.

- Il m'a menti ? grogna ce dernier en faisant rageusement les cents pas dans la pièce. Il ne m'avait jamais menti !

- Peut-être n'a-t-il pas vu l'importance de l'information. Ou peut-être a-t-il simplement oublié.

- Il me disait toujours tout, même les plus petites choses ! Et là, je l'ai appris par un autre ! C'est mon frère ! Il ne me fait plus confiance ?

- Il voit surtout la solidarité dont font preuves ses jeunes gens, Ayoros. Il se sent peut-être isolé. Il n'est pas tellement différent d'eux.

- Moi non plus, je ne suis pas différents d'eux.

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Les cours continuaient normalement. Mais sans Milo. Cette fois, elle n'était pas revenue. C'est Mô qui aurait dû y aller, elle aurait certainement pu trouver les mots pour la retenir. Camus voulait croire que ce qui s'était passé sur la Lune n'était qu'un rêve. Mais c'était tellement réel. Bien sûr, ils en avaient parlé. Chacun avait raconté ce qu'il avait vécu. Sauf Milo, qui n'était pas là à leurs réveils.

Et ses paroles dans cet étrange rêve sonnaient si vraies qu'il avait du mal à croire à un songe. Il avait espéré pouvoir la retenir, la faire revenir, la garder même simplement en amie, il s'en serait contenté, cette fois. Mais rien n'y avait fait, Milo était une vraie tête de mule.

« Tu es tombé amoureux d'une illusion. Et même si j'étais un garçon, je ne suis pas quelqu'un pour toi.». Camus avait fermé son esprit en entendant ses mots, il n'avait rien entendu d'autre. A se demander qui des deux méritait le plus l'autre. Milo avec ses difficultés scolaires ou lui qui avait été suffisamment aveugle pour ne pas les voir.

Il s'était mis un peu à l'écart de ses amis pour se replonger entièrement dans ses études. Il ne voulait plus penser à tout ça. Et il dormait toujours dans le lit de Milo. Mais l'odeur de la jeune fille disparaissait peu à peu.

Aphrodite aussi s'était isolée. Elle passait de nouveau le plus clair de son temps à la serre, celle-là même où ils avaient affronté Melle Lorane. La jeune fille y avait ses petites habitudes. Mais aujourd'hui, elle regardait ses boutures différemment. Maintenant, elle pensait savoir pourquoi certaines d'entre elles avaient bourgeonnées et pas les autres. Elle regarda les légères traces blanchâtres sur la paume de sa main droite. Ce lundi-là, elle avait saisi les branchages sans vie à pleine main pour les lancer sur cette maudite guêpe, sans se soucier de savoir si les épines était encore acérées.

Elle posa délicatement ses doigts sur l'une des boutures « re »naissantes. Elle ferma les yeux et se détendit, comme là-bas, dans ce rêve. Et comme à ce moment-là, elle sentit la sève pulser lentement sous l'écorce encore sèche de la bouture. Elle sourit en pensant aux magnifiques rosiers qu'ils deviendraient, lui et ses petits frères, et aux roses aussi rouges que son sang qui y fleuriraient. Et alors elle pourrait avoir le magnifique parterre de roses rouges qu'elle avait vu dans son rêve, celui qu'elle avait fait lorsqu'elle avait été malade, pendant les trois jours qui avaient suivi ce maudit lundi. Mais finalement, peut-être qu'il n'était pas aussi maudit que ça, ce lundi-là. Mais lui restait à savoir qui était cette personne aux longs cheveux bleus aussi clairs que les siens et qui tenait dans sa main un poisson doré. Elle avait cru au départ que c'était elle. Mais maintenant, elle était sûre que non, si la couleur était du même bleu que ses cheveux, la chevelure n'était pas la même.

Elle sursauta. Quelque chose venait de se poser sur son bras. Elle tourna la tête. Minos se trouvait près d'elle.

- Tout va bien ? lui demanda cette dernière.

- Oui, pourquoi une telle question ?

- Tu avais l'air plus que rêveuse. Aurais-tu laissé ton esprit « là-haut » près de ce rosier ?

- Peut-être, répondit Aphrodite, le regard soudain rêveur.

Mais sa rêverie ne dura pas longtemps. Devant elle, posé sur l'établi, la bouture qu'elle touchait avait pris une telle ampleur que son petit pot ne lui suffisait plus. Elle le fixait sans comprendre comment il avait pu croître en si peu de temps. Elle regarda son doigt, une goutte de sang perlait. Elle s'était piquée à l'une des épines.

- Un souci ? interrogea Minos.

Aphrodite s'approcha près de la jeune fille avant de lui chuchoter à l'oreille.

- Crois-moi si tu veux, mais à l'instant cette bouture n'était pas aussi développée.

Minos se recula pour fixer la jeune fille. Elle semblait heureuse. Et si différente de ces derniers jours. Elle était venue ici pour la voir, pour parler avec elle. Et elle retrouvait la fille qu'elle avait toujours vue jusque-là, une petite poupée précieuse. Elle serra les dents. Que lui avait-elle pris de penser qu'elles pourraient être amies ?

Aphrodite s'éloigna sans rien ajouter de plus. Et quelques minutes plus tard, Minos fut surprise de la voir revenir avec un pot plus grand rempli de terre. Aphrodite en avait aussi plein les mains et un peu sur le visage, et cela ne semblait pas la déranger plus que ça. De petite poupée précieuse, Minos la reclassa aussitôt à MimiCracra. Aphrodite posa le pot sur l'établi et sous le regard surpris de Minos, elle changea le rosier de pot. Le visage d'Aphrodite était lumineux et aussi paisible que pouvait l'être celui de Mô. Elle tassait la terre. Minos fronça les sourcils, il lui semblait avoir vu une ombre dans le regard bleu de la jeune fille.

- Pourquoi es-tu venue jusqu'ici ? lui demanda subitement Aphrodite en laissant ses deux mains posées à plat sur la terre autour du pied du rosier. Je ne veux pas parler d'eux. Pour ma part, ils n'existent plus.

- J'ai vraiment souhaité leurs morts, tu sais. Ce qu'ils ont fait est inacceptable.

- Moi-aussi, je voulais qu'ils payent. Mais pas de cette façon-là. Je voulais qu'ils soient jugés par la justice des hommes, pour que tout le monde sache ce qu'ils nous ont fait, que les gens voient les monstres qu'ils étaient.

- Tu ne crois pas qu'il puisse exister une justice à laquelle nul ne peut échapper.

- Du style, une justice divine. Mais tu as failli t'y substituer, Minos, à la justice des hommes, comme à la justice divine. Et si DM ne t'avais pas arrêtée...

Minos posa son regard sur le rosier. Aphrodite avait raison, elle avait failli être juge, juré et bureau. Elle s'était laisser aveugler par la colère et ça, c'était impardonnable. Dorénavant, elle devrait toujours garder un œil critique sur ses sentiments aussi.

- Allez, viens ! lui dit joyeusement Aphrodite en retirant le plus gros de la terre de ses mains. Je me lave les mains et on va à la cafète boire quelque chose.

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