L'enfant

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Jeudi 28 janvier

Camus s'arrêta devant la maison de Milo. Jusque-là, il s'était toujours arrêté plus loin. Il n'avait jamais osé s'approcher davantage. Pourtant, il aurait bien aimé courir de nouveau avec elle. C'était stimulant, elle avait l'esprit de compétition et elle le poussait sans cesse à se dépasser dans la course.

Mais ce matin, elle tardait à revenir à moins qu'elle ne soit pas aller courir. Il ne pouvait pas le savoir. Il partait à six heures quinze du foyer et c'était l'heure à laquelle Milo partait aussi courir.

Alors Camus s'était approché. Il s'était attendu à ce que la porte d'entrée fut fermée mais...

- Milo, il va falloir que tu apprennes à fermer ta porte à clé.

Il entra donc dans la maison. Le silence le surpris. Surtout si Milo n'était pas partie courir, elle parvenait à être bruyante même seule. Finalement, elle n'était peut-être pas encore rentrée où il lui était arrivée quelque chose...

Bizarrement, c'est cette dernière idée qui s'imposa dans son esprit et il se mit à la chercher partout, d'abord dans la maison. La porte n'était pas fermée à clé, peut-être qu'elle avait fait rentré quelqu'un en toute confiance et que... Après tout, elle était une sacrée bagarreuse, elle n'avait pas dû se faire que des amis et...

Le jeune homme se sentit oppressé d'un seul coup. Milo était revenue et cette fois, il ne voulait pas la perdre. Il serait seulement son ami puisque c'est tout ce qu'elle voulait de lui.

Camus se figea dans l'encadrement de la porte de la cuisine. Son cœur semblait s'être figé dans la poitrine, tout comme son esprit. Il regarda Milo. Elle était installée sur une chaise, la tête coincée dans ses bras, les cheveux étalés partout. Elle était immobile.

Le jeune homme resta un moment sans bouger, il avait peur. Peur de ce qui avait pu arriver à la jeune fille. Il mit un long moment avant de se décider à l'appeler. Les premiers mots restèrent coincés dans sa gorger, prisonniers de son émotion, de la crainte de l'avoir perdue. Puis les mots s'éclaircirent un peu mais ils restaient chargés d'angoisse. Il n'obtenait aucune réponse. Alors il finit par s'approcher. Son cœur martelait sa poitrine maintenant. Et si...

Du bout des doigts, il secoua la main de la jeune fille posée sur la table. Enfin, elle releva la tête, au grand soulagement de Camus. Les yeux hagards, Milo le regarda sans vraiment comprendre ni où elle était ni ce qu'elle faisait là. Selon les critères de DM, elle était totalement à côté de ses pompes.

- Tu ressembles à un épouvantail.

Milo continuait de fixer son ami. Le coin de ses lèves tenta un sourire mais elle sentit les muscles de ses joues faire de la résistance. Camus avait vraiment le chic pour les comparaisons blessantes. Enfin, le jeune homme porta son regard autour de Milo. Jusque-là, il n'avait vu que la jeune fille. Mais en voyant l'état de la pièce, il comprit mieux celui de son amie. Du yaourt était étalé partout sur la table et même dans les cheveux de Milo. Des bouteilles de jus vides traînaient un peu partout. Le T-shirt de la jeune fille était maculé du liquide sucré.

- Que s'est-il passé, ici ? l'interrogea Camus, enfin remis de sa peur de la perdre.

- Ce qui... Oh ! Le cocon !

Milo voulut se lever précipitamment mais elle se rassit aussi vite en penchant la tête vers ses jambes, un poids l'immobilisait. Camus se précipita à ses côtés et il fut saisi par ce qu'il découvrit. Lové sur les cuisses de la jeune fille, un enfant aux cheveux roses dormait en tenant serré contre son visage une lampe torche allumée. Il portait l'un des T-shirt de Milo, maculé lui-aussi de yaourt et de jus.

- Mais d'où sort-il ?

- Du cocon, je crois.

Camus allait répondre, mais il ne trouvait rien à dire. Du cocon, ça semblait... invraisemblable. Il regarda Milo un moment puis, il se saisit doucement de la lampe torche en tâchant de ne pas réveiller l'enfant. Il monta en vitesse dans le grenier. Le jour ne pointerai pas avant huit heures et il faisait sombre sous les combles. Il fallait vraiment qu'il change les ampoules. A l'aide de la lumière de la torche, Camus chercha un moment l'emplacement où se trouvait le cocon. Et il semblerait bien que Milo ait raison. Le cocon était percé d'un trou suffisamment grand pour laisser passer l'enfant. C'était donc ça, l'ami d'Hadès, un enfant de cinq ans environ qui se serait développé... Camus secoua la tête. Non, il devait y avoir une autre explication, plus logique. Du genre, l'enfant a été enfermé dans un cocon, pour une raison inconnue, par une sorte de... de... Non, non, non ! Il divaguait là ! Ce n'était pas son genre. Il devait rester rationnel et ne surtout pas partir dans les délires de Milo et DM.

Pensif, le jeune homme rejoignit son amie et l'enfant dans la cuisine. Là, il se figea de nouveau devant la scène qui s'offrait à ses yeux. L'enfant était assis sur la table en face de Milo.

- Tu fais quoi, là ? lui demanda Camus.

- Bah, à ton avis !

C'était évident pourtant, Milo lui donnait à boire du jus dans un verre tout en gardant une serviette en-dessous parce que l'enfant ne buvait pas proprement.

- Mais donne-lui quelque chose de plus consistant !

- Mais, y veut rien d'autre !

- Milo ! Tu es là ?

Les deux amis se regardèrent. C'était la voix de Rune. Camus savait que Milo lui avait donné un trousseau de clés, la veille, ce qui l'avait d'ailleurs un peu vexé, pour que leur ami passe voir le cocon le matin, sans avoir à attendre le retour de Milo de son jogging.

- Y a un truc, commenta la jeune fille. Pourquoi il appelle ?

- La porte d'entrée, elle n'était pas verrouillée. Il pense peut-être qu'il t'ait arrivée quelque chose, comme je l'ai fait.

Milo se leva précipitamment mais un coup d'œil par la fenêtre à l'extérieur de la maison l'arrêta dans son élan.

- La voiture de son père.

Rune n'était donc pas seul. Camus réagit au quart de tour. Il attrapa l'enfant pour le coller dans les bras de Milo.

- Allez prendre une douche, je me charge de ranger la cuisine.

Elle disparut aussitôt tandis que le jeune homme se mettait à la tâche.

Rune se sentait gêné et franchement mal à l'aise. Jamais il n'aurait imaginé que ses parents puissent faire ça : débarquer chez Milo aussi tôt le matin. D'un autre côté, il l'avait bien fait, lui-aussi. Mais c'était parce qu'il était inquiet pour le cocon et aussi ranger un peu la bibliothèque que son amie laissait totalement à l'abandon.

Mais il s'était subitement immobilisé, la clé dans la serrure. En voulant ouvrir la porte, il s'était aperçu que celle-ci n'était pas verrouillée. Il avait fait comme si de rien n'était, pour ne pas inquiéter ses parents, et en entrant dans la maison, il avait commencé par appeler son amie. Il était tout juste sept heures quinze, peut-être était-elle simplement rentrée un peu plus tôt de son jogging.

Il se dirigea d'abord vers la cuisine tandis que ses parents attendaient patiemment dans l'entrée.

- Mais que s'est-il passé ici ? demanda le jeune homme aux cheveux blancs en voyant Camus faire le ménage.

Il le rejoignit rapidement dans le nettoyage tandis que Camus lui expliquait la situation. Ils sortirent enfin d'une cuisine remise au propre alors que Milo descendait avec l'enfant, fraîchement douchés tous les deux. Rune resta en admiration devant le petit garçon. C'était à cause de ses yeux en amandes sans pupille ni iris d'un rose bonbon perlé de deux tâches blanches. Il tenait la main de Milo en arborant un sourire qui lui donnait une expression mi-taquine, mi-moqueuse.

- Oh ! Il est adorable ! s'extasia la mère de Rune en s'accroupissant devant l'enfant. Qui est-ce ?

- Mon neveu... mentitspontanément Milo.    

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