Du froid dans le guêpier

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Ayor avait détaillé un long moment cet homme face à Camus. Il semblait être aussi souriant que lui ! Et étrangement, le jeune homme leur trouvait une certaine ressemblance. Il ne serait pas surpris que cet homme soit la voix entendue par son ami. Mais que voulait-il dire par « ne le garde pas dans ta main » ? Du froid que pouvait produire l'étudiant ? Ayor ne voyait que ça. Il regarda Camus, ce dernier fixait sa main gauche. Il restait silencieux et immobile. Et puis à quoi pouvait-il bien penser ? Il regarda un instant autour de lui. Aldébaran frappait toujours sur les alvéoles. Quand à Dohko, il continuait de frapper sur les guêpes.

- Il n'y a que moi qui trouve qu'il fait plus froid d'un seul coup.

- Non, Ayor, tu ne rêves pas, il fait plus froid. Les guêpes se figent et la cire durcit. Continue, Camus, ça marche. Encore un peu et on pourra briser ce nid comme du verre.

« Comme du verre ». Là, Ayor trouvait le policier un peu trop optimiste. A quelle température la cire allait-elle geler ? Ayor reporta de nouveau son attention sur Camus. Il n'avait toujours pas bougé. Se rendait-il seulement compte que la température baissait sérieusement.

- Tiens, qui êtes-vous ?

Non, mais il était sérieux là, Dohko !? C'était seulement maintenant qu'il s'apercevait de la présence de ce type ! Les deux hommes se fixèrent un moment avant que la « voix » de Camus ne s'adresse directement au policier.

- Voilà donc où tu étais passé, Dohko. C'est étrange, tu n'as pas changé.

Il avait marqué un temps d'arrêt avant de prononcer le prénom du policier. L'intéressé tourna seulement la tête, de façon à voir son interlocuteur entre Camus et les rayons de cire. Il avait fini de frapper sur les guêpes et il avait entrepris de prendre la place d'Aldébaran pour le laisser chercher les deux enfants manquants.

- C'est vraiment étrange, tu n'as pas changé, même tes expressions.

Ayor regardait alternativement les deux hommes. Dohko le détaillait en fronçant légèrement les sourcils, comme s'il tentait de se souvenir.

- Non, désolé. Je ne voie vraiment pas où on a pu se rencontrer.

- "Quand" serait plus juste.

Ayor regardait toujours les deux hommes se dévisager. Mais le froid se faisait de plus en plus intense.

- C'est à vous que l'on doit cette agréable température hivernale, ironisa Dohko sans quitter cette « connaissance » du regard.

Mais l'autre ne répondit pas. Il se contenta de poser les yeux sur Camus. Celui-ci était toujours dans la contemplation de sa main.

- Camus ? l'interrogea Ayor en posant la main sur l'épaule de son ami.

Mais il s'éloigna rapidement. Il émanait du jeune homme un froid qui surprit Ayor.

- Ça va peut-être suffire maintenant, Degel ? Quoique moi, je m'en fiche, le froid ne me gêne plus depuis longtemps !

Cette voix ! Ayor la connaissait. C'était celle de Regulus ! Son ami irréel qui l'avait aidé dans l'apprentissage de ses capacités. Ayor le détailla un moment. Il ressemblait à un adolescent espiègle. Il s'était bien rendu compte que sa voix était celle d'un adolescent.

- Vous avez un faux air, tous les deux ? commenta Dohko. Quelqu'un de ta famille ?

- Aucun lien de parenté, répliqua Degel.

- Et vous êtes ..?

Les deux hommes se dévisagèrent de nouveau.

- Si tu tiens à le savoir, viens voir ton ami à la Giudecca, Dohko. Nous y allons, Regulus.

- Hein ?! Mais tu le laisses comme ça ?

- Camus n'a plus rien à apprendre de moi. Il saura se débrouiller désormais et également guider les enfants. Quand à ton protégé, tu n'as plus rien à lui montrer.

- C'est vrai, mais...

L'homme et l'adolescent se fixèrent un moment puis, ce dernier acquiesça en soupirant bruyamment avant qu'ils ne s'éloignent tous les deux. Dohko voulut les suivre, il avait encore des questions à lui poser mais il ne les trouva nulle part. Ils avaient disparu, tous les deux. Alors il revint vers les deux étudiants. Ayor était parvenu à sortir Camus de sa contemplation et celui-ci découvrit, surpris, que son ami comme Dohko grelotait de froid.

- Je n'ai pas retrouvé les enfants ! Et Poséidon s'est échappé aussi ! D'où vient ce froid ? Il faut absolument que je retrouve les petits sinon ils vont geler !

Aldébaran était déjà sur le point de reprendre sa recherche mais Dohko l'arrêta. Selon lui, Ayor et Camus se chargerait de retrouver ces petits vadrouilleurs. Le géant et le policier se chargeraient de démolir ce maudit guêpier.

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Minos rangeait machinalement les livres qu'elle avait jeté par terre lorsqu'elle s'était fâchée contre Rune. Thanatos avait raison, elle avait perdu son sang froid. Et puis, il lui avait demandé...

La jeune fille était restée abasourdie. Thanatos, la Mort, lui avait non pas demandé, mais ordonné de porter son enfant. Et ce serait Hypnos ! Et c'était à elle qu'il avait demandé ça ! Ce n'était pas de sa faute si le frère du Thanatos était mort ! Pourquoi serait-ce à elle de le porter pour qu'il ait une nouvelle vie ? Il serait plus logique que ce soit Mô qui s'occupe de cette grossesse ! Après tout, c'était pour elle qu'Hypnos était mort !

Elle resta immobile un moment après avoir posé le dernier livre. Finalement, c'était peut-être de sa faute.

Elle avait d'un seul coup l'impression d'avoir tout fait de travers. Elle avait repoussé tout ce qui venait d'Aphrodite et de ses amis. Elle aurait voulu garder Rune pour elle toute seule. Mais le solitaire du début de l'année s'était ouvert aux autres. Et elle ? Elle s'était sentie étrange à leurs contacts, comme si elle allait se perdre, ne plus être la même. Pourtant, lorsqu'elle y repensait, elle ne s'était jamais sentie aussi bien, ni seule. Bien sûr, ils avaient passé leur temps à s'attirer des ennuis mais l'entre-aide avait toujours été de mise.

"On t'a cherchée partout" lui disait encore la voix de Rune. Peut-être que si elle n'était pas partie, ils n'auraient pas eu à la chercher et Hypnos n'aurait pas eu besoin de protéger Mô.

Foutaises !

Ce serait arrivé à un moment ou à un autre. Tockel avait décidé de tuer tous ses amis, elle y comprise. C'était Eaque qui l'en avait empêché en lui disant que Minos était sa protégée.

"La pauvre" lui avait alors rétorqué Tockel d'un ton cynique. Mais Minos s'en moquait de son avis, tout ce qui l'intéressait, c'était de comprendre la nature du lien qui l'unissait au Népalais, alors qu'elle ne le connaissait pas, alors que Rune...

Et puis, il y avait eu les propos de cette fillette, cette petite blonde venue la déranger dans la salle de classe en lui disant qu'elle devait partir, quitter Sanctuary, que c'était son grand-père qui le demandait. Honnêtement, Minos ne l'aurait pas écoutée s'il n'y avait pas eu quelques détails plus que personnels que lui avait donnés cette enfant. Des choses que seuls son grand-père et elle pouvaient connaître. Elle n'avait pas compris pourquoi il voulait qu'elle quitte l'école. Laros avait travaillé pour Tockel, ce dernier le lui avait balancé en pleine figure. Il lui avait expliqué pourquoi le vieil homme l'avait recueillie. Mais s'il avait pensé la blesser, c'était raté. Thanatos lui avait déjà expliqué ce qui s'était passé à ce moment-là. Tockel ne lui apprenait rien.

Minos baissa la tête en fermant les yeux. Laros n'avait voulu que la séparer de ceux qui se considéraient comme ses amis. Il ne voulait pas qu'elle ait des amis. Il disait qu'elle n'en avait pas besoin, qu'elle n'avait besoin que de lui et des poupées. Elle les aimait, ces poupées mais elles n'avaient pas la même présence que ses amis. Elle les avait repoussés et Rune plus que les autres.

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