Rigidité et impertinence

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Mô était restée songeuse. Assise sur le banc, elle regardait vaguement Myu explorer les environs. Mais en ce début février, le parc n'offrait pas grand-chose à la curiosité de l'enfant. Alors, lorsque celui-ci en eut fait le tour, il vint s'asseoir auprès de la jeune fille. Mais elle semblait toute aussi endormie que la nature. En fait, sa rencontre avec cet homme aux yeux d'or l'avait quelque peu perturbée. Elle l'avait déjà rencontrée. Mais où ? Dans un rêve, comme il le prétendait ? Elle s'en souviendrait, elle s'en souvenait toujours. Sauf si... c'était ces dernières semaines. Mô se fiait souvent à ce qu'elle ressentait. Mais depuis son réveil, ses sensations étaient différentes, moins fortes et la jeune fille se sentait un peu perdue.

« Ses amis » l'avaient accueillie chaleureusement, elle l'avait vu sur leurs visages, dans leurs yeux. Enfin, pour la plupart d'entre eux parce qu'elle n'était pas parvenue à savoir si Minos était contente ou non de la revoir. Il lui semblait que non.

Elle sortit subitement de ses pensées. Près d'elle, le petit Myu était assis à genoux sur le banc et les deux mains posées devant lui, il la fixait intensément. Elle ne parvenait pas à savoir ce qu'il ressentait, pour lui non plus. En plus, avec ses yeux particuliers, il lui était difficile de lire dedans. Elle devait alors se fier à l'expression de son visage. Mais avec son petit sourire quasi permanent, il donnait toujours l'impression de se moquer du monde.

Personne ne lui avait vraiment expliqué ce qui s'était passé, juste qu'elle avait été prise de violents maux de tête et qu'elle avait perdu connaissance. Elle voulait bien le croire. Mais pendant dix jours. Ça, elle avait un peu de mal à comprendre. Non, il devait y avoir autre chose. Ces jeunes gens de son âge... c'était vrai, ils étaient probablement amis. Suffisamment en tout cas pour qu'ils sachent qu'elle était une fille, chose qu'elle ne disait pas lors de ses voyages. En tout cas, ces mêmes amis ne lui avaient pas tout dit. Pourquoi ? Alors, elle non-plus ne disait pas tout. Elle ferait comme elle avait toujours fait : observer.

Elle passa sa main sur la joue de l'enfant. Sa peau était froide. Le temps s'était un peu rafraichi.

- Tu veux rentrer ?

L'enfant hocha vigoureusement la tête. Il se leva d'un bond, son enthousiasme d'un seul coup retrouvé et ils reprirent tranquillement le chemin du retour. Elle s'immobilisa en voyant un homme devant la porte de la maison. Elle resta un moment à l'observer. Il se tenait droit alors qu'il attendait patiemment. Ses cheveux étaient courts et blonds. Blonds, mais pas or, comme ceux... Mô ferma les yeux pendant une ou deux secondes tout en secouant la tête. Elle devait absolument sortir cet homme de son esprit. Il était élégant. L'homme devant la maison pas l'autre, lui était plutôt noble dans ses attitudes, mais celui devant la porte il lui semblait un peu...

« Rigide ».

- Puis-je vous aider ? demanda Mô en poussant le petit portail du jardin sans pour autant quitter l'homme du regard.

Il se tourna aussitôt en entendant cette voix douce. A son tour, il dévisagea la jeune fille qui s'était arrêtée. Ainsi donc elle était sortie. Voilà pourquoi personne ne répondait. Il détailla la jeune fille des pieds à la tête.

« Imperturbable ».

Il ne répondit pas tout de suite. Il était un peu saisi, pourtant il avait été prévenu. Il cherchait la faille dans ce visage au léger sourire. Non, il ne s'était pas attendu à ça. Elle semblait sereine, il en convenait. Mais il lui semblait déceler chez elle une certaine fermeté.

- Je suis venu parler à Milo, répondit-il enfin d'un ton autoritaire en se dirigeant vers elle.

« Froideur ».

- Milo a cours jusqu'à dix-sept heures trente et sera rentrée vers dix-huit heures. Revenez une autre fois.

« Impertinente ».

Il venait de voir une étincelle s'allumer dans le regard vert de la jeune fille. De la malice ? De la moquerie ? Difficile à dire. Il regarda sa montre. Seize heures quarante. Il devrait donc passer plus d'une heure avec elle. Il réprima un sourire de satisfaction. Il était là aussi pour elle. Mais il ne pouvait pas lui dire. Ce serait avouer qu'il était venu volontairement pendant l'absence de Milo.

« Suffisant »

- Je peux lui laisser un message si vous le souhaitez.

Il releva aussitôt les yeux vers elle et ce n'est qu'à cet instant qu'il le vit. Sagement debout près de la jeune fille, Myu lui tenait toujours la main. Le voilà donc, l'enfant. Il le vit, le léger mouvement qu'elle venait d'avoir.

« Protectrice ».

Il détestait les gens comme ça. Ils étaient souvent prêts à tout, même les pires inconsciences pour « aider » les autres. Il releva son regard vers elle. Elle le fixait droit dans les yeux. Jusqu'où pourrait-elle aller pour protéger cet enfant ? Alors ce qu'il avait découvert... Pas moyen de faire le moindre rapprochement. Elle était Tibétaine mais impossible de savoir d'où elle était. Ce n'était pas précisé sur son carnet de voyage qu'Ayoros avait pu lui fournir.

Elle se dirigea vers lui en prenant garde de toujours se trouver entre lui et l'enfant, sans pour autant le quitter du regard.

« Insolente ».

Pourquoi avait-il cette impression désagréable qu'elle lui préparait quelque chose ?

- Je discuterai avec vous, finit-il par répondre.

« Autoritaire ».

Elle ne l'avait pas quitté des yeux. Il voulait quelque chose. C'était certain. Et elle pensait savoir quoi. Elle sourit et son regard s'illumina davantage.

« Très insolente ».

Il la suivit du regard d'abord avant de lui emboîter le pas. Elle ouvrit la porte pour faire entrer rapidement l'enfant.

« Impressionnant ».

Myu ne se fit pas prier pour entrer dans la maison. Il avait un peu peur de cet homme au regard dur et il avait serré davantage la main de Mô. Il s'était également exécuter sans broncher lorsque, d'un petit geste, elle l'avait fait passer un peu derrière elle. Maintenant, il attendait de l'autre côté de la porte qu'elle vienne le rejoindre.

Une main toujours sur la poignée de la porte, Mô posa de nouveau son regard sur l'homme en face d'elle.

« Il doit avoir un bâton... »

Mô fronça légèrement les sourcils. Elle n'avait pas l'habitude de penser de cette façon. C'était plutôt... elle sourit sous le regard sévère de l'homme. Il la fixait. Elle restait immobile.

- Vous voudrez bien m'excusez mais il commence à faire un peu frais pour le petit et je ne peux pas le laisser seul dans la maison.

L'homme la dévisagea avec insistance alors qu'il cherchait un sens... Non, elle n'allait pas faire ça !

- Vous ne m'invitez pas à entrer ? s'inquiéta-t-il soudain en la voyant bloquer l'accès à la maison.

- En effet. Je ne suis qu'invitée dans cette maison. Je ne peux donc me permettre de faire entrer le premier venu. D'autant plus que j'ai un enfant sous ma responsabilité.

Sidéré.

Il n'en revenait pas de ce qu'elle venait de dire. « Premier venu » ! Lui ?! Non mais quel toupet ! Savait-elle seulement à qui elle parlait !

Le visage de l'hommesembla se décomposer. Mô arborait une expression douce mais pas seulement. Ilserra les dents. Elle se moquait de lui. Elle savait parfaitement qui il était.Elle lui adressa un « au revoir et bonne journée » avant dedisparaître dans la maison et de verrouiller la porte, lui n'eut d'autre choixque de rester à l'extérieur. Ayoros avait raison. C'était d'elle qu'il fallaitse méfier le plus avec son air doux. Il sentit une subite envie de meurtremonter en lui. Ça, elle le lui paierait !

Etablissements Scolaires Sanctuary (Saint Seiya)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant