— Austin... souffla une voix. Réveille-toi, Austin...
Les paupières du garçon s'entrouvrirent. Le soleil tapait, lumineux et transpirant de chaleur. Une légère brise soufflait, laissant ses mèches de cheveux glisser sur son front. Allongé sur le dos, il tanguait. Comme sur un voilier, il pouvait voir la mer du coin de l'œil, s'étendre à des milliers de kilomètres. Les cris des mouettes résonnaient dans sa tête, battant tranquillement des ailes au-dessus de lui. Une silhouette féminine se dessina au milieu de l'essaim d'oiseau. La lumière éclatante illumina le visage de cette fille aux yeux de marbre et aux cheveux sombres détachés. Un sourire sincère se dessina sur ses fines lèvres rose pâle.
— Réveille-toi, chéri...
— Réveille-toi !
Austin ouvrit brusquement les yeux. Les Beatles le saluèrent, depuis le poster accroché au plafond. Sa mère hurla :
— Réveille-toi, mon chéri ! Tu vas être en retard !
Il se redressa, se frottant les yeux et soupirant. C'était donc ça, le « chéri ». En allumant son téléphone, il remarqua quelques notifications. Des snaps flamme, pour la plupart. Aucun message de cette fille dont il avait rêvé. Seulement un de son auto-école, lui rappelant que son contrat terminait dans peu de temps et qu'il devait passer le code sans plus attendre. En même temps, pourquoi est-ce que cette fille lui enverrait un message ? Enfin, elle était au courant de son existence... Elle n'était pas comme ces pestes de séries américaines qui ne retenaient que les prénoms des joueurs de football. C'était simplement une fille de sa classe. Très belle, sans le moindre doute. Mais elle restait une simple camarade de classe. Une fille, à qui, il n'avait presque jamais parlé. Pourquoi lui enverrait-elle un message ?
Il se mit à imaginer son professeur de maths, calculant la probabilité qu'Austin et Elsa ne sortent ensemble. Elsa, c'était le nom de cette jeune fille aux yeux gris. Le professeur serait rentré en classe, serré dans son pull en laine bleu ciel. Il aurait salué la classe d'un sourire trahissant un dévouement inégalable pour ses élèves. Ensuite, il aurait pris une craie ainsi qu'une grande règle en plastique jaune dans ses gros doigts, avant de noter l'objet du problème au tableau :
Nous cherchons la probabilité qu'Elsa accepte de sortir avec Austin. Soit P(E) la probabilité qu'elle soit d'accord, et P(A) la probabilité qu'Austin fasse face à un refus.
Il se serait ensuite retourné vers sa classe, en faisant des petits pas et en agitant la règle devant lui. Après s'être raclé la gorge, il aurait commencé, de sa voix grave et éloquente :
— Voici le problème que nous devons résoudre. Et pour une fois, il ne sera pas bien compliqué ! En effet, il suffit de constater les faits : Austin éprouve des sentiments pour une fille, qui ne lui a parlé qu'une poignée de fois dans l'année. Jamais il n'a réussi à tisser de liens, ne seraient-ce qu'amicaux, avec elle. La plupart des garçons trouvent qu'Elsa est une fille jolie. Elsa a donc un panel de choix qui s'offre à elle, n'est-ce pas ? Parmi toute la demande qui persiste en ce qui la concerne, elle choisira le profil de garçon qui lui conviendra le mieux.
Ensuite, le professeur poserait sa règle de plastique presque aussi longue que le tableau et se pencherait sur sa calculette d'un air on ne peut plus professionnel.
— Bien, maintenant vous rentrez toutes les informations que je viens de vous donner dans votre calculatrice. Et, vous êtes censés trouver... P(E) = 0,01 et P(A) = 0,99. Non, attendez ! Vous devez trouver P(E) = 0,1. A moins que ce ne soit 0,2... ?
— Austin ! Tu vas être en retard !
Les yeux de l'adolescent s'ouvrirent en grand. Son bus passait dans moins de dix petites minutes... Encore une fois, il n'avait pas eu le temps de déjeuner. Le voilà qui courait déjà derrière son bus, priant pour que le feu devant passe au rouge. Ses écouteurs étaient restés sur son bureau. Il se maudit pendant tout le trajet pour les avoir oubliés, et devoir entendre les bruits incessants du trafic.
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...