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Devant la porte de sa maison, Austin ouvrit les yeux. Le ciel s'était couvert. L'orage approchait. Dans son beau jardin symétrique, quelques graviers rebelles roulaient dans l'herbe, emportés par les bourrasques. Les buissons dansaient, et leurs feuilles s'échappaient les unes après les autres. La main du garçon se ferma, tandis que son bras se levait doucement devant lui. Haletant, il tenta de le retenir, mais il ne contrôlait plus rien. Son poing toqua contre la porte d'entrée.

Quelques secondes de silence s'en suivirent. Il déglutit. C'était trop tard pour reculer. Ses yeux plongèrent dans ceux de sa mère, qui lui ouvrit. Elle venait de sortir de la douche, recouverte de son peignoir blanc. Ses longs cheveux détachés et ondulés gouttaient encore sur le tapis de l'entrée.

— Oui ?

Un sourire se dessina sur le visage d'Austin. Le visage rayonnant, il murmura :

— Maman...

— Excusez-moi ?

Delphine recula d'un pas, bouleversée. Son fils fronça les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle se retourna et appela :

— Philippe ! Viens voir.

— Quoi encore ?

Austin entendait d'ici la voix rocailleuse de son père, lorsqu'il avait bu un peu plus d'un verre. Ses pas saccadés s'approchèrent d'eux. Il enfila une chemise déboutonnée et surgit derrière Delphine.

— C'est pour quoi ?

— Ce dégénéré pense qu'il est mon fils...

— Hein ?

Austin contempla ses deux parents l'observer d'un air hébété, à deux doigts d'exploser de rire. Submergé par une vague de tristesse, il recula doucement, tentant tant bien que mal de retenir ses larmes. Philippe serra la mâchoire et bouscula sa compagne :

— Ça suffit, maintenant ! Ma femme ne vous connaît pas ! Dégagez ! Allez !

...

— Austin ?

Le jeune homme ouvrit doucement les yeux. Un rayon de soleil l'éblouit. Une mèche blonde lui tombait sur le nez. Il reconnut le visage de la petite fille qui soupira :

— Tu es le dernier à dormir encore...

Il se releva brusquement, dans son sac de couchage.

— Quelle heure il est ?

— Huit heures.

Le bruit de la gomme des roues du skate raclant contre le bois du skate-park attira son attention. Le soleil se levait doucement derrière les maisons, dans la fraîcheur de la rosée du matin. Et la silhouette de Tim était déjà de retour sur sa planche. Clément le suivait du regard, les bras croisés. De temps en temps, il applaudissait.

— Allez, tu l'as, celui-là !

Austin se retourna vers la petite fille, qui l'interrogeait du regard.

— ... Qu'est-ce que tu veux faire ?

Le garçon resta silencieux quelques instants. Il balaya l'endroit du regard, et devint livide :

— Où est la guitare ?

La petite fille balbutia, mais il bondit sur ses pieds, virant au rouge :

— Elle est où ?!

— Détends-toi ! C'est... Jacob qui l'a emprunté. Il est assis contre l'arbre, là-bas.

Austin avança d'un pas décidé vers le grand chêne qui bordait le skate-park. Jacob grattait les cordes à vide et chantait comme une casserole, avec l'air d'un imbécile heureux.

— C'est la viiiiie... que je mèneeeeee !

Le garçon lui fit signe de se taire et récupéra l'instrument. Hébété, l'intéressé se racla la gorge :

— Il y a un problème ?

— Non, aucun. C'est juste que... J'aimerais le savoir, quand on me prend mes affaires.

— D'accord, je suis désolé... Je te réveillerai la prochaine fois.

Austin soupira, et s'accroupit en s'appuyant sur le manche de la guitare.

— On s'en va.

— Maintenant ?

— Oui...

Jacob se releva doucement, se mordit les ongles et fit un signe de tête vers le reste du groupe.

— Revenez nous voir, quand vous voulez.

Le garçon sourit et hocha la tête. L'air inoffensif de Jacob lui porta peine. Comment avait-il pu se retrouver ici ?

— C'est d'accord.

Il tourna les talons et retourna auprès de la petite fille, qui remit son bonnet en place et replia son sac de couchage. Elle baissa la tête pour cacher son inquiétude. Austin se pencha vers elle. A priori, elle avait bien compris qu'ils repartaient.

— Tu as besoin d'aide ?

— Je peux le faire toute seule.

Son ton sec refroidit le garçon. Il haussa les épaules et se tourna vers son duvet. Clément marcha jusqu'à eux, les mains dans les poches.

— Vous repartez ?

— Oui. Merci, et désolé pour le dérangement.

— La rue est à tout le monde. Ça faisait longtemps que j'avais pas entendu quelqu'un jouer de la guitare.

Ils échangèrent un air amical, et se serrèrent la main. Depuis le haut d'une rampe, Tim attrapa sa planche au vol et leur fit un grand signe de la main.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant