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Un oiseau chantait à tue-tête, passant près puis s'éloignant, de branche en branche. La faible brise se laissait aller en effleurant doucement les feuilles, bercée par la mélodie de l'animal. Lou ouvrit ses beaux yeux bleus, nez à nez avec la confortable mousse sur laquelle elle avait passé la nuit. Il n'y avait plus personne à ses côtés. Son sang ne fit qu'un tour. Elle se redressa, inquiète, balayant du regard les deux sorties de l'abri. Puis, elle remarqua l'absence de la guitare et tendit l'oreille. Le doux son des cordes vint caresser ses oreilles gelées. Elle se faufila jusqu'à la sortie, constatant avec soulagement que l'humidité s'était évaporée. Sa petite tête blonde dépassa du creux rocheux. Elle observa autour d'elle. Sur un tronc d'arbre brisé, Austin était assis en tailleur. L'instrument sur la cuisse droite, et le journal sur la gauche. En se faufilant discrètement hors de l'abri, elle gloussa. Il observait encore les pages griffonnées avec un sérieux hors du commun. Elle fit craquer une brindille. Le garçon se retourna brusquement et arrêta de jouer.

— Tu as dormi comme un loire, finalement...

Elle haussa les épaules, constatant que le soleil était déjà haut dans le ciel.

— Parfois, on n'avait pas le chauffage au foyer, alors...

Il referma le bouquin et sauta du tronc, le regard inquiet.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Trois fois rien, ironisa-t-il. On a perdu la voiture, la tente et nos vêtements. Et les flics savent qu'on est par ici.

Une vague d'angoisse submergea la petite fille. Elle en avait presque oublié les événements de la veille. En se penchant sur la guitare, le garçon sortit un petit rouleau de corde de sa poche et marmonna :

— Il y a une vieille cabane de gosses, dans le coin. Elle est en sale état, mais j'ai pu récupérer ça.

Il fit un nœud autour des deux extrémités de sa guitare, et la fit passer dans son dos comme une sangle, retenant l'instrument en s'appuyant sur son épaule.

— On y va.

Désemparée, la petite fille croisa les bras :

— Où ?

— A Lyon.

— A pied ?

— Tu as une meilleure idée ?

Elle se tut. Il s'engagea dans la forêt, enjambant les branchages et les tas de feuilles mortes. Lou récupéra en vitesse son bonnet entre les pierres.

...

Par chance, elle avait gardé l'atlas dans sa poche arrière. Fascinée par cette carte gigantesque, pouvant presque s'y voir se déplacer sur les routes fictives, elle passait son temps et son regard cloués dessus. Les deux premières heures de marches lui plurent. Se balader dans les bois, sentant que le soleil la suivait, lui procurait un sentiment de sérénité. Parfois, elle sifflotait à tue-tête, orientant la carte dans un sens, puis dans un autre.

— Ah... il nous reste... quinze kilomètres ! Dis, c'est grand, Lyon ?

— Un peu, oui.

Austin, lui, restait silencieux. Il se contentait de répondre de façon abrupte à ses questions. Et pendant qu'elle sifflait, lui, observait constamment leur environnement. L'idée que les policiers puissent les attendre à la sortie des bois lui glaçait le sang. Malgré l'épaisseur de son sweat noir, la corde frottait et brûlait son épaule. A mesure que le jour se levait, la chaleur l'accompagnait. Aux alentours de treize heures, les gouttes de sueur roulaient sur le front du garçon, haletant. Derrière lui, la petite fille commençait à être à bout de forces, elle aussi. Elle ne disait plus rien, et se contentait de marcher dans les pas du garçon.

— C'est plus long que je ne l'aurais pensé... souffla-t-il.

Ils arpentèrent un début de sentier, qui les mena petit à petit vers un semblant de civilisation. Les bois denses disparurent progressivement derrière eux, les laissant au bord d'une aire. Un Casino et un vendeur de souvenirs s'y tenaient.

— Mets ton bonnet, ordonna Austin.

Ils s'approchèrent des magasins d'un air méfiant. Le garçon tomba sur un porte manteau, sur lequel étaient accrochées des casquettes. Il en saisit une noire et l'essaya. Plus bas, les tailles étaient plus petites. Il en attrapa une bleue marine et l'enfonça sur la tête de la petite fille.

— Comment tu te sens ?

— Pour le moral ou la casquette ?

Il soupira.

— C'est pas le moment...

— Elle me va, lâcha-t-elle d'un air dépité.

Il la lui reprit et poussa la porte du magasin. La petite clochette suspendue s'activa brusquement. Il enfila directement le couvre-chef et se dirigea vers le comptoir, désignant sa casquette et déposant celle de Lou devant le caissier.

— Je vais vous prendre ces deux-là.

— Trente-cinq euros.

Il grimaça en fouillant dans sa poche. Pour deux pauvres casquettes... Il tendit deux billets de vingt et observa la petite télévision située au-dessus de l'homme du coin de l'œil. Son sang ne fit qu'un tour. Sa photo, prise à la plage avec sa mère, décorait l'écran. Et un journaliste à la cravate mal arrangée présentait les faits en bougeant les mains. Par chance, le son était coupé.

— Monsieur ?

Austin sortit de sa torpeur, pour plonger ses yeux dans ceux du vendeur.

— Vous voulez que je mette du spray ? C'est gratuit.

Il secoua énergiquement la tête et récupéra brusquement la deuxième casquette.

— Ça ira, merci.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant