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Finalement arrivés au sommet d'une colline au pré perdu au milieu des forêts, les vagabonds posèrent pied à terre. Entre les branchages épais des chênes majestueux aux troncs imposants, Jane écarta les feuillages et passa sa tête devant. Tout était exactement comme dans ses souvenirs. Le champ de blé s'étendait à l'infini, semblant pouvoir toucher le ciel. Plus bas, dans la plaine, un banc de sapins cachait tant bien que mal ce lieu de plénitude oubliée. Au milieu du champ, une bâtisse atypique se dressait, construite de planches de bois grisâtres et de vieilles fenêtres en peinture blanche usée. La jeune fille enjamba un tas de feuilles mortes humide, et poussa un petit portillon rouillé et grinçant, donnant sur le pré. Lou la suivit en premier. Derrière elle, Austin s'énervait contre Prince, lorsque celui-ci ne daignait plus bouger, trop intrigué par les branches des chênes.

— Je te présente la ferme de ma mamie... murmura Jane en se penchant vers la petite fille.

— C'est joli.

L'air nuageux et humide offrait un aspect étrange et énigmatique au lieu. Lou frissonna en réalisant que ce serait le lieu parfait pour y tourner un film d'horreur.

Austin parvint finalement à traîner le cheval jusqu'au champ de blé. Ils se mirent en route, affrontant le vent et repoussant les pousses leur grimpant jusqu'aux genoux, pour atteindre la maison. Le garçon tira Prince avec lui et rattrapa Jane.

— Tu es sûre qu'on ne va pas déranger ta grand-mère ?

Elle secoua tristement la tête.

— Tu ne dérangeras personne, ici...

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Elle admira la grande bâtisse, qui s'agrandissait à vue d'œil, et haussa les épaules.

— Elle est partie. Depuis plusieurs années.

Embarrassé, Austin secoua la tête en bredouillant :

— Pardon, je...

— Ce n'est rien. Elle n'a jamais voulu vendre la maison. Dans son testament, elle me l'a légué. Techniquement, tout ça est à moi !

Elle ouvrit grand les bras et effectua une nouvelle pirouette au milieu du champ de blé. Le garçon en resta ébahi, consterné par la capacité de la jeune fille à contenir ses émotions.

Jane poursuivit sa course en sautillant, jusqu'à atteindre le seuil de la ferme pour y attacher Azia. Elle fit un grand signe de main en direction des deux vagabonds.

— Vous venez ?

A l'intérieur, le maître mot était la poussière. Les fenêtres du séjour et de la cuisine laissaient entrer la lueur du jour, qui illuminait les moindres saletés jonchant le sol et le mobilier. Une odeur de moisi régnait un peu partout. Intriguée par un flyer abandonné sur le comptoir de la cuisine, Lou l'empoigna et lut à haute voix :

— Fête foraine de Fontans. Du 12 au 18 avril. Trop cool !

Son sourire s'estompa rapidement, lorsqu'elle remarqua la date exacte. Elle marmonna d'un air frustré :

— 2007.

Jane lui accorda une petite tape dans le dos et sourit :

— Ne t'en fais pas. C'est chaque année, la fête foraine. Et toujours à cette époque-là, ici.

Le visage de Lou s'illumina à nouveau :

— Tu rigoles ?

— Pas du tout. Elle est plutôt pas mal, en plus. Il y a... une grande roue, je crois.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant