Le réveil sonna à nouveau. La tête dans les nuages, Austin revint à lui, à moitié compressé par son oreiller. Son cerveau s'amusa à lui rappeler l'existence d'Elsa, à qui il n'avait presque jamais parlé, puis celle de monsieur Preto et de ses parents. A ce propos, Delphine Delorme hurlait déjà à son fils de se réveiller. Pourtant, c'était elle qui lui avait acheté ce réveil. Et Austin l'utilisait chaque jour. Mais elle continuait à s'époumoner chaque matin, pour être sûre qu'il ne reste pas cloîtré au lit.
La journée de jeudi était terriblement lente. Beaucoup de cours, peu de pauses. David le collait encore pour lui parler du fameux « Titi » qu'Austin n'avait jamais vu, et de « Jeanne » que son ami était censé transformer en un coup de cœur virtuel. En cours d'économie, cette fois, ce fut Austin qui demanda à Tom de le réveiller lorsqu'il piquerait du nez. L'après-midi, après avoir passé plus d'une heure à respirer dans la fumée des cigarettes en silence, voilà qu'il se retrouvait assis devant un bureau, avec un sujet de mathématiques sous ses yeux. Il ne servait à rien de se battre contre son cerveau, et il le savait. Il n'avait pas révisé, avait trop de choses en tête pour se concentrer sur des calculs. « Ce ne sont que des chiffres... » s'amusa-t-il à se rappeler.
Il prit son stylo, le secoua et démarra le premier calcul sans s'inquiéter de l'heure qui tournait. Il songea : pourvu que les heures passent plus vite que les secondes.
Au moment de partir, il tomba sur Pierre-Louis. Lui, sortait d'un contrôle d'histoire, ce qui était objectivement la pire matière, peu importait la filière.
— Alors, ces maths ?
Il affichait un sourire moqueur, sachant éperdument qu'Austin ne faisait pas le quart de ce que lui faisait en mathématiques, et que le cran de difficulté était bien abaissé.
— Ça va, marmonna-t-il en hochant la tête. Et toi, alors ?
— J'en sais rien. C'est de l'histoire.
Il hocha la tête.
— On rentre ensemble ?
— Pas ce soir, désolé... Je vais voir Carla. Elle avait un DS de philosophie. C'est le genre de moment où elle a besoin d'un peu de réconfort...
— Je vois le truc, marmonna Austin. On se voit demain !
— Carrément, articula-t-il, oublie pas qu'on fait soirée chez moi !
Le garçon haussa les épaules en souriant :
— Comment je pourrais oublier ?
Puis il tourna les talons et s'éloigna. En réalité, il avait oublié. Ces soirées que Pierre-Louis adorait faire, avec beaucoup de gens qui ne se connaissaient pas tous entre eux. Le genre où les gens cherchent à se convaincre qu'ils vont passer une bonne soirée avant d'y aller.
Si un froid polaire s'était installé sur la ville deux jours plus tôt, il faisait une chaleur étouffante en ce jeudi 2 avril. Un plein cagnard, sans aucun nuage à l'horizon. Un ciel bleu surplombait les immeubles au vitres réfléchissantes et au sol goudronné sur lequel certains SDF marchaient pieds nus. L'un d'eux, une baguette de pain à la main, bousculait les passants en courant, un sourire au bout des lèvres.
— Il doit vraiment être content d'avoir cette baguette... songea Austin en le dévisageant.
La vue de sa plante de pied presque brûlée au contact du trottoir le fit frémir. Il poussa la porte de l'auto-école.
...
— Dans cette situation, freiner risquerait de surprendre le motard qui se trouve derrière moi. Je ralentis, réponse C.
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...