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Ils obéirent. Une fois immobile, elle les aspergea de désinfectant et leur passa du coton partout sur le visage. La sensation de picotement était l'une des pires selon Austin. Il ne la supportait pas. Mais il devait absolument rester stoïque en présence de deux membres du sexe opposé.

— T'as mal ? lui lança Lou d'un air moqueur.

— Pas du tout, répliqua-t-il en serrant les dents.

— Alors, comment vous êtes-vous fait ça ? demanda la serveuse.

Le garçon soupira et leva les yeux vers la télévision. Au même instant, les informations parlaient de l'incident survenu à la gare de la Part Dieu entre un groupe de policiers et de français noirs. Il pointa un doigt en direction de l'écran, ébahi. Le caméraman interviewait Assane, sur le lit de l'infirmerie.

— Là-bas... murmura Austin.

La jeune femme se retourna et lut le titre en bas de l'écran : Gare de Lyon Part Dieu : Un groupe de Sans-Abris noirs roués de coups par des policiers. Elle laissa échapper un petit cri et se retint d'une main sur la bouche. Elle tourna les talons vers les deux vagabonds.

— Vous étiez... là-bas ?

Ils hochèrent la tête.

— Et... ce qu'ils disent, c'est vrai ?

Nouveau hochement de tête.

— Ah, bon... Eh bien, pour une fois !

Elle s'attela au découpage des pansements et marmonna :

— Vous devez venir du train, alors. Comment vous appelez-vous ?

— Aus... Heu, David.

Lou jeta au garçon un regard interloqué, puis sourit à la jeune femme :

— Léane ! Et vous ?

— Alice.

Austin se racla la gorge et observa autour de lui, la dizaine de tables et les chaises de bois. Les fenêtres très fines laissaient passer la lumière du soleil. Un escalier en colimaçon menait à un couloir de chambres. L'ambiance rappelait celle du chalet d'Andry. Le garçon lança :

— Vous êtes seule pour gérer cet endroit ?

— Moi ? Oh, non, non, pas du tout. Enfin, si, seulement aujourd'hui. Le patron est absent et tout le monde est en vacances. Je garde l'endroit. Mais, en ce moment, nous n'avons pas beaucoup de clients, vous savez.

Elle appliqua le premier pansement sur la joue gauche du garçon. En croisant son regard, elle s'arrêta une seconde. Perturbé, ce dernier fronça les sourcils.

— Il y a un problème ?

Elle se laissa retomber dans son siège.

— On ne s'est pas déjà vu ?

Le sang d'Austin ne fit qu'un tour. Il déglutit sans prendre la peine de regarder la petite et secoua la tête.

— Je pense que je m'en souviendrai. Je ne suis jamais venu à Mornas.

Alice cligna des yeux sans le lâcher pendant une poignée de secondes qui parut interminable. Puis, elle sourit et haussa les épaules.

— Oui ! Je dois te confondre avec quelqu'un d'autre. Pardonne-moi.

Elle se tourna vers Lou.

— Pour ton œil, j'ai probablement quelque chose qui pourrait t'aider. Tu veux bien venir avec moi ?

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant