D'abord survolé d'une vague exaspération, il se redressa pour soupirer. Mais quelque chose le bloqua. Et subitement, son cœur se serra. Lui, qui n'avait songé qu'à faire la fête et dormir, en avait complètement oublié sa responsabilité. Celle qu'il avait choisi de garder près de lui, depuis l'histoire d'Olivia. Le regard perdu dans le vide, il se leva brusquement et remercia vaguement la jeune fille avant de grimper les escaliers. Le neurone responsable du cœur se laissa retomber sur son lit douillet et souffla :
— Fausse alerte, les gars...
Austin avança d'un pas décidé jusqu'à l'étage. Dans le couloir, une seule porte était fermée. Il s'approcha doucement, veillant à ne pas faire de bruit. Ses doigts se posèrent doucement sur la poignée, mais une planche grinça. Pour la discrétion, c'était raté. De l'autre côté du mur, il entendit la voix enfantine de Lou lui rétorquer :
— Je sais que tu es là.
Austin soupira. Même ça, il était incapable de le faire correctement. Les effets de l'alcool et de l'euphorie se dissipèrent comme par magie, balayés par une vague de culpabilité qui remplissait la tête du garçon à chaque seconde qui passait. Sans se laisser plus de temps, il ouvrit la porte et passa le seuil. Assise sur une petite chaise en bois peint, Lou lui tournait le dos. La tête légèrement penchée, et ses cheveux couleur du soleil à l'air, elle contemplait la fenêtre. Celle-ci, embuée, floue, laissait les gouttes dégringolaient sans espoir de remonter vers le ciel. Les plocs incessants des filets de pluie l'apaisaient, laissant passer le silence qui la serrait dans ses bras.
Le garçon baissa les yeux, et s'assit au bord du lit, derrière elle. Les mains jointes, il déposa son regard au-delà de la vitre. Même aujourd'hui, le monde, dehors, lui paraissait si merveilleux. Même rempli de tous ses problèmes. Il suffisait de s'arrêter quelques secondes, et d'observer. Pour réaliser à quel point il était beau.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
L'attention d'Austin se recentra sur la petite fille. Un léger sourire bienveillant apparut sur ses lèvres.
— Je crois que c'est moi qui devrais te demander ça, non ?
Ses yeux bleus se reflétaient dans le vitrail, trahissant son chagrin. Malgré tout, elle haussa les épaules :
— Pourquoi ?
Le garçon voulut renchérir, mais sa gorge se noua. Il soupira, et se lança :
— Je t'ai laissé toute seule, hier soir. Voilà, pourquoi.
— Tu as trouvé des gens de ton âge. N'importe qui aurait fait pareil, après avoir dû supporter une gamine pendant une semaine entière.
— ... Je croyais que tu n'étais plus une gamine ?
Austin parvint à lui faire décrocher un rire léger, qui s'estompa rapidement. Il remarqua que l'autre lit était défait, et comprit que Jane avait dormi avec elle. La petite fille émit un soupire amusé :
— Ils pensent que tu es mon grand-frère...
— ... Oui ?
— Pourquoi ne pas leur avoir dit que c'est faux ?
Quelques instants passèrent, tandis que les gouttes de pluie dévalaient toujours la vitre. Lou ne pouvait pas le voir, mais le garçon affichait un visage troublé. Soudain submergé par des idées sombres et angoissantes, il voyait le visage de ses parents apparaître devant lui. Seule sa mère lui souriait. Son père avait l'air ailleurs. Comme à chaque fois qu'ils se parlaient.
— Je...
Il ferma les yeux et serra la mâchoire un instant, se traitant lui-même de tous les noms dans sa barbe. Enfin, il ouvrit la bouche, mais Jane entra brusquement. Austin sursauta sur le lit de la petite fille.
— Oh, pardon... Je vous dérange ?
— Non ! s'exclama fermement Lou avant de se lever.
La jeune fille au pull vert embraya directement, plongeant son regard dans celui de l'orpheline :
— Dis donc... Je vais voir mon cheval, à l'écurie. Tu veux peut-être venir avec moi ?
L'intéressée baissa les yeux, masquant son air mélancolique comme elle le put, et hocha la tête avant de passer le seuil de la porte, sans se retourner vers le garçon.
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...