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A 16 heures, au moment où Austin passa le portail du lycée pour rejoindre la rue, il sentit le poids de ses épaules s'adoucir, son cœur ralentir. La fin de la semaine. La seule chose qu'il attendait depuis lundi matin, 8 heures. Pourtant, il lui suffit d'échanger un regard avec Elsa pour que son rythme cardiaque s'emballe à nouveau. David surgit derrière lui en lui sautant dessus. Cet hyperactif avait l'habitude de faire un bout du chemin avec lui.

— Alors, on ne m'attend pas ?

Austin gloussa. N'importe quoi aurait pu le faire rire, à ce moment-là. La fatigue remplaça rapidement son stress de la semaine. Mais les mots du professeur lui trottaient en tête.

— Tu viens ce soir, hein ? Tu ne me laisses pas tout seul.

— Oui, soupira le garçon. Oui, je t'ai dit que je venais.

— Ouais, mais entre ce que tu dis et ce que tu fais...

— David... C'est bon ?

— Ouais, ouais, excuse-moi.

Ils avancèrent, mettant un pas devant l'autre en silence.

— Je vais peut-être réussir à faire venir Jeanne, ce soir... marmonna-t-il un sourire aux lèvres.

— Tu vas quoi ?

— Oh, mais t'es jamais content ! Je fais ça pour toi, mon vieux ! Il est temps que... que tu...

Austin haussa les épaules, l'encourageant à finir sa phrase.

— Voilà, quoi, tu m'as compris.

Le garçon secoua la tête et laissa retomber ses bras le long de son corps.

— Je tourne là... murmura David. Allez t'inquiète, ce sera une bonne soirée.

— Ouais...

— A tout à l'heure.

— C'est ça...

Austin observa David s'éloigner doucement, immobile. Autour de lui, les voitures klaxonnaient, faisaient ronfler leur moteur. Les élèves couraient pour attraper leur bus. Des hommes de quarante ans se pressaient en traversant les passages piétons, à l'étroit dans leur costume, étranglés par leur cravate trop serrée.

Le garçon mit les mains dans ses poches, donna un coup de pied dans le premier caillou qu'il vit sur le chemin, et ne quitta plus le sol des yeux jusqu'à chez lui. Le grand portail s'ouvrit à nouveau devant lui. Il pouvait presque l'entendre dire : Bienvenu chez toi, Austin ! Mais un portail, ça ne parle pas. Il haussa les épaules et traversa l'allée de graviers blancs. Devant la porte, il entendit une note. Les clés enfoncées dans la serrure, il s'arrêta et tendit l'oreille. Le son continuait. C'était toujours la même note. Un Ré, si son oreille était juste. On grattait les cordes de sa guitare. Et si quelqu'un s'était introduit chez eux ?

Il s'empressa d'ouvrir la porte et marcha d'un pas pressé vers le salon. Il fut soulagé de voir sa mère, assise dans le canapé, l'instrument à la main.

— Referme la porte quand tu rentres, marmonna-t-elle.

Un peu secoué, Austin secoua la tête avant de reprendre ses esprits.

— Oui, pardon...

Il obéit, posa délicatement son sac dans le couloir, et s'assit à côté de Delphine. Trois doigts posés sur les cordes les plus fines, elle essayait de faire sonner l'accord de Ré. Après plusieurs tentatives, elle souffla.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant