Les lampadaires éclairaient la ville humide de Montpellier. A mesure que les minutes s'écoulaient, que la nuit s'y répandait, les lumières des habitats s'éteignaient. Plongé dans une obscurité presque totale, Austin voyait pourtant très bien la jeune fille qui se tenait devant lui. Les projections de la fête leur passaient dessus, à tour de rôle. Lumineuse, elle arborait un sourire enfantin et chaleureux. Au bout de quelques secondes de silence, elle se racla légèrement la gorge :
— Je peux... vous aider ?
Le garçon sortit de sa torpeur et bredouilla :
— Hum, ouais. Heu...
Derrière lui, Lou prit le relais en marmonnant, toujours sur le dos de Prince :
— On a emprunté ce cheval au papa d'une fille qui s'appelle Jane.
L'intéressée haussa les sourcils, surprise. Elle poussa la porte en grand et passa devant Austin, les yeux rivés sur le cheval.
— Mais oui... Je me souviens de toi. Comment tu t'appelles, déjà ?
— Prince, s'immisça le garçon. Il s'appelle Prince.
Elle afficha une mine étonnée vers sa direction, gratouillant du bout des doigts le museau de l'étalon musclé.
— Vous êtes sûrs ? Ça ne me dit rien...
— On est sûrs ! affirma la petite fille, fière du nom qu'elle avait trouvé toute seule.
La jeune fille posa les mains sur ses hanches et lui lança un sourire amusé.
— Et toi, alors ? Comment tu t'appelles, demi-portion ?
— Lou.
Elle lui tendit sa petite main avec entrain, malgré la fatigue qui s'abattait sur elle depuis de nombreuses heures. Constater qu'il n'y avait ni sorcière ni enleveuse d'enfant la rassurait. La jeune fille accepta sa poignée de main qu'elle serra vigoureusement.
— Eh bien moi, c'est Jane. Vous m'avez l'air d'avoir fait un sacré chemin, toi et ton grand frère...
Le garçon se contenta de baisser les yeux vers le sol humide. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. La petite fit un signe de tête dans sa direction
— Lui, c'est Austin.
La jeune fille se tourna vers lui, commença à tendre sa main mais se rétracta.
— Je te fais la bise ?
— Oui... Ouais ! bredouilla-t-il avant d'effleurer le bout de ses joues suaves avec ses lèvres.
Lou descendit du cheval en se frottant les bras. Jane agrippa les rênes de Prince et le guida vers la porte fermée du garage.
— Rentre vite ! Il fait froid, dehors.
Elle arrêta Austin et lui désigna la poignée en bas du volet métallique.
— Tu pourrais m'ouvrir ça, s'il te plaît ?
— Je vais essayer.
Il tira de toutes ses forces vers le haut. Le volet se releva entièrement dans un vacarme assourdissant. Il souffla et pénétra à l'intérieur du lieu, empestant le béton et la WD40. Jane guida le cheval d'un pas leste et joyeux, puis l'attacha au pied d'un établi, à côté d'une botte de foin.
— Désolé mon beau, murmura-t-elle. Je t'aurais bien fait dormir en compagnie d'Azia, mais l'endroit n'est pas assez grand.
— Qui est Azia ? demanda Austin en croisant les bras, balayant le garage du regard.
— Mon cheval. Il est tard pour lui, mais on pourra aller le voir demain, si vous passez la nuit ici.
Il faisait sombre, au rez-de-chaussée. Les murs décrépissaient, et une légère odeur de moisi trônait dans le couloir. En face des escaliers, la petite fille observait les projections de lumières de toutes les couleurs, s'étendant jusqu'à ses pieds. Elle pointa les marches du doigt et chercha la jeune fille du regard.
— C'est chez toi, cette fête ?
Jane sourit :
— Oui ! Enfin... chez nous. Tous les dimanches, on en fait une.
Le visage de la petite fille s'illumina :
— Trop cool... On peut monter ?
— Oui, bien sûr. Avant, on peut peut-être discuter un peu. Je dois savoir qui je laisse entrer !
Elle prononça ces derniers mots en riant nerveusement. Austin hocha la tête.
— D'accord, mais... est-ce qu'on pourrait... avoir de l'eau ?
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...