Austin resta silencieux, sentant la brise balayer son épaisse chevelure devant ses yeux. L'écume des vagues se balançait doucement, au rythme des battements de son cœur. Il referma lentement le carnet et se redressa, sentant soudainement ses jambes trembler. Puis, ce furent ses lèvres. Il sentit un profond sanglot émerger. Inarrêtables, les larmes coulèrent de ses yeux vides. Sa main rangea doucement le journal, dans la poche arrière de son jean. Il porta son regard vers la baie qui s'étendait devant lui, et remarqua en observant de plus près, des petites traces de pas qui suivaient l'horizon et s'étendaient à perte de vue.
Le sang du garçon ne fit qu'un tour. Il se retourna, attrapa le sac à dos de montagne bleu marine qu'il enfila sur ses épaules, puis se hissa sur le cheval. Encore à moitié assoupi, ce dernier poussa un hennissement colérique. Austin s'accrocha aux rênes et serra les dents.
— Holà, ho... C'est pas vraiment le moment !
Il se pencha en avant pour le détacher du rocher et l'orienta en direction de la grande ligne de gravillons dorés. Une lueur brilla dans ses yeux de bronze. Soudain contrôlé par son adrénaline, il secoua sèchement les rênes et gronda :
— Allez, mon grand !
Prince détala. Ses sabots raclèrent fièrement les grains de sable par milliers, sans jamais ralentir. Son corps musclé s'articulait noblement, face à la boule de feu incandescente qui veillait sur eux. La plage demeurait sans fin. Plus rien ne semblait pouvoir arrêter l'animal, qui aurait pu parcourir la terre entière au galop. Sur son dos, le garçon gardait les yeux grands ouverts devant lui, les cheveux au vent. Il sentait ses paupières caressées par la lueur éclatante du jour. Ensemble, Austin et Prince arpentèrent près de sept kilomètres en une vingtaine de minutes. Pour le jeune homme, cela n'avait semblé durer qu'une fraction de seconde. Sous son regard ébahi, se dessinait une grande maison blanche, seule face à la mer. Un gros objet noir, ressemblant étrangement à un piano à queue, trônait dans le sable. Tout autour, deux silhouettes se couraient après. L'une, humaine. L'autre ressemblait à celle d'un loup. Ou plutôt, d'un chien. Prince accéléra, presque au bout de ses forces. Le visage d'Austin s'illumina. Il reconnut, dans un élan de joie, les cheveux dorés de Lou se balançant au vent.
...
— Lou !
Austin tira brusquement sur les rênes de Prince. Ce dernier se cabra, manqua de perdre l'équilibre, puis atterrit finalement, les quatre pattes sur le sable. Le garçon s'empressa de descendre. A quelques mètres devant lui, il reconnut un husky blanc, dont la queue rebiquait. Quelques poils gris se perdaient parmi sa fourrure de neige. Ses yeux bleus se reflétaient dans la mer, puis dans ceux de la petite fille.
Accroupie sur la baie, elle caressait les joues musclées du chien, qui tirait la langue en souriant. La voix d'Austin l'interpella. Lentement, son regard se tourna vers lui, et son sourire disparut. Le chien s'élança vers lui en aboyant, émerveillé à l'idée de rencontrer une autre personne. Arrivé à son niveau, il se tint en équilibre sur ses deux pattes arrière, et s'agrippa aux jambes du garçon. Ce dernier lut la joie dans le regard de l'animal. Il posa une main douce sur sa tête et fit balayer ses oreilles de haut en bas.
— Ok, doucement. Faites connaissance, tous les deux.
Il jeta un regard au cheval sur ces derniers mots, avant de s'éloigner. Le chien fit son plus beau sourire à l'étalon. Prince le dévisagea d'un air hautain. La petite fille baissa les yeux, sentant le savon que le garçon allait lui passer. En réalité, sa curiosité prenait le pas sur le reste. Jamais, malgré le nombre colossal de vacances à la plage de sa vie, n'avait-il vu plus beau lieu. Dans la baie sauvage, perdue au milieu de nulle part, se tenait cette belle maison toute faite de bois blanc. Le fameux piano à queue en métal noir qu'il avait cru voir n'était pas un mirage. Il se tenait paisiblement, les pieds dans le sable, à observer la mer sans jamais s'en lasser. Il demeurait dans l'attente, que quelqu'un veuille bien poser ses doigts sur ses touches mélodieuses.
Les yeux du garçon se posèrent sur le visage culpabilisant de la petite fille. Il s'emporta vainement :
— Qu'est-ce qui t'as pris, nom d'un chien ?!
Une femme passa le seuil de la grande maison. Brune, entourée d'une vieille couverture tout autour du corps. Elle tenait un mug de thé bouillant dans la main. Alors que Lou s'apprêtait à répondre, elle s'écria :
— C'est toi, Austin ?
— Hein ?
Le garçon fronça les sourcils, découvrant la dame d'une quarantaine d'années, qui le toisait calmement.
— ... Vous êtes qui ?
Elle fit un signe de tête en direction de la maison blanche.
— Tu veux bien entrer ? Lou, tu peux rester jouer avec Ruby.
— D'accord.
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...