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Les heures s'écoulaient lentement, selon les bons vouloirs du tic-tac incessant du cadran qui faisait face à la cellule du garçon. Il n'y croyait pas. Se retrouver dans cet endroit. Ce n'était probablement qu'un rêve, dont il se réveillerait bientôt. Ses vêtements étaient la seule chose qu'il avait pu garder avec lui. Assis depuis plus de dix heures sur une banquette dure comme du bois, il n'avait pas fermé l'œil de la nuit. A travers les minuscules fenêtres vêtues de barreaux, les rayons du soleil illuminaient son visage, et ses yeux ambrés recouverts d'une tristesse infinie. Nous étions lundi 20 avril, c'était tout ce qu'il savait.

Au fond du couloir, la porte s'ouvrit dans un grincement assourdissant. Jenvier marcha d'un pas lourd jusqu'à la cellule du garçon, muni d'un gros trousseau de clés. Il déverrouilla la porte et l'ouvrit en grand, l'écoutant grincer en silence.

— Tu es libre...

Sans esquisser le moindre sourire, Austin se leva et s'engagea dans le couloir d'un pas traînard. Finalement, sortir d'ici lui importait peu. Son esprit resterait prisonnier de ses sombres pensées. Avant de franchir la porte menant dans la rue, le commissaire lui tendit son téléphone.

— Tiens. J'imagine que tu ne souhaites pas que je le garde.

— Merci...

Il empoigna l'objet d'une main douce, laissant son visage s'illuminer. Il se rappela aussitôt qu'il pouvait contacter Pierre-Louis. Une fois les portes du commissariat franchies, il pressa le bouton d'allumage, le cœur battant à cent à l'heure. Mais l'écran demeura noir, reflétant son visage en décomposition.

— Pas de batterie... Évidemment.

— Austin !

Le garçon releva les yeux et fronça les sourcils.

— ... Monsieur Preto ?

Son professeur de musique retira ses lunettes teintées, dévoilant un air grave dessiné sur son visage. Puis, il avança d'un pas droit et rapide jusqu'au garçon. En omettant les règles de bienséance, il empoigna sa main et le tira en direction de sa voiture.

— Mais... qu'est-ce que vous faites ?

— Je t'emmène chez moi.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Je t'expliquerai plus tard.

Austin secoua la tête, balayant la rue du regard.

— Mes parents doivent venir me chercher ici...

— Ne t'en fais pas, marmonna Preto en replaçant ses lunettes sur son nez, ils sont prévenus. J'ai dû insister, mais ils ont cédé. Ils passeront te prendre vendredi soir.

Le garçon se laissa tirer jusqu'à la voiture en levant les yeux au ciel. Il n'y comprenait plus rien. Le professeur s'empressa de démarrer, comme si un tsunami fondait sur eux. En un éclair, la petite voiture fusa jusqu'à l'appartement de Preto, roulant nerveusement sur les petites routes à double sens. Le conducteur enfonça brutalement la pédale de frein. Austin ferma les yeux, imaginant qu'il allait traverser le pare-brise. Il fut soulagé de constater que son corps était toujours confortablement installé sur le siège. Son professeur se tourna vers lui, un sourire en coin.

— Comment vas-tu ?

Déboussolé, le garçon secoua vaguement la tête, et soupira :

— Je ne sais pas.

— Tu m'as vraiment fait peur, tu sais ?

— Hm...

Le professeur hocha lentement la tête, laissant paraître son inquiétude à mesure des secondes qui s'écoulaient. Il fouilla dans sa poche, en sortit le carnet vert et le lui tendit.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant