La chaleur du soleil caressait la manche retroussée de Lou, assise sur une chaise bancale, les coudes sur la table. L'air encore frais du matin pénétrait en vagues courants d'air depuis la cuisine et les fenêtres ouvertes. Les paupières encore lourdes, elle manqua de piquer du nez sur le bois ferme à plusieurs reprises. En farfouillant dans les placards couverts de poussière, dont certains voyaient leurs poignées se détacher, elle avait trouvé une tablette de chocolat encore bonne. Très étonnée, la petite fille ne s'était pas laissée le temps de se demander pourquoi c'était le seul aliment restant dans cet endroit, et s'était empressée de croquer dedans à pleines dents. Un peu plus tard, Jane lui passa devant quelques secondes plus tard, toujours en pleine forme dès le matin. En pointant la tablette du doigt, la jeune fille marmonna :
— C'était le préféré de ma grand-mère.
Lou s'arrêta brusquement de mâcher, se sentant soudainement bête. Mais la jeune fille soupira en secouant la tête :
— Mange. Sinon, ça va pourrir ici.
Sur ces mots, elle s'engouffra à l'extérieur pour s'asseoir sur le banc à balance du seuil, recouverte jusqu'au bout des doigts de son pull vert émeraude. Ses mèches blondes reflétèrent les petits rayons du soleil, qui s'agrandissaient petit à petit.
Dans son lit, Austin se réveilla en sursaut, tiré brusquement d'un cauchemar le confrontant à la police, dans lequel il était accusé de meurtre. Haletant et transpirant de toutes parts, il sourcilla frénétiquement en se frottant les yeux avant de pouvoir retrouver son calme.
— Merde...
Sur ce mot qui résonna un moment dans sa tête, il retira brusquement la couette et s'habilla à la hâte. Il descendit les escaliers en trombe et se figea en tombant sur le regard décontenancé de la petite fille, un carreau de chocolat entre les dents.
— Pourquoi tu cours ?
Il posa les mains sur ses hanches, réalisant qu'il n'avait pas de réponse à cette question... Il s'assit un instant avec elle, lui sourit et murmura :
— Tu as fini par t'endormir, alors ?
— Hm hm.
— Et ça va mieux ?
Lou répliqua en grimaçant :
— Tu sens la transpiration...
Pour toute réponse, il souffla et la prit dans ses bras, déposant un baiser sur son front.
— Je m'en fiche.
Il desserra son étreinte. Attirés par le rayon de soleil qui lui faisait signe, le regard du garçon se posa sur Jane, dos à lui, les yeux tournés vers les champs et l'horizon. Sa silhouette l'émerveillait chaque jour un peu plus, charmé par cette élégance cachée et alliée à sa bonté. Aujourd'hui, le garçon réalisait ce que c'était, de connaître une personne ayant le cœur sur la main. Et malheureusement, les gens ne se trompaient pas lorsqu'ils affirmaient que c'était rare.
Lou sortit Austin de sa torpeur, un sourire amusé au bout des lèvres. Elle fit un signe de tête en direction du balancier.
— Qu'est-ce que tu attends ? Va la voir.
Il secoua la tête, tentant vainement de protester, mais se tut. Elle avait raison. Et rien ne servait de repousser l'un des moments qu'il considérait comme les plus importants de sa vie. Se jeter à l'eau et être brave, lorsqu'il le fallait, pouvait simplement changer son histoire, et il le savait. Doucement, il s'engagea vers la porte, la poussa doucement et se laissa illuminer par le soleil, en serrant la mâchoire. Sans dire un mot, il rejoignit la jeune fille sur le banc. Elle tenait son walkman dans les main et sa paire d'écouteurs dans les oreilles. Elle roula les yeux vers lui d'un air doux, et lui tendit un écouteur. Le garçon l'accepta et le positionna dans son oreille. Jane rembobina la cassette et marmonna :
— On a juste besoin de ça. La musique, et la nature.
Les notes de mandoline fendirent le silence, résonnant dans l'air estival du matin. Austin ne mit que quelques secondes pour reconnaître « Remembrance » de Gustavo Santaolalla, le musicien dont il cherchait le nom la veille. Cette musique fabuleuse et reposante semblait faire danser doucement les pousses des blés qu'ils fixaient. Le garçon s'imagina à nouveau danser avec elle, et n'aurait pas pu penser que cette sensation lui manquerait. Soudain, Jane passa sa main autour de son bras et le serra si fort qu'Austin crut un instant que son sang ne circulait plus. Elle grelottait.
— J'ai un peu froid...
Il posa une main réconfortante sur la sienne et la caressa, plongeant ses yeux dans les siens. Sans dire un mot, elle se colla contre lui et déposa sa tête dans le creux de l'épaule du garçon. D'abord surpris, puis ressentant finalement un sentiment de plénitude immense, il laissa passer sa main dans son dos pour le caresser, tandis que la mandoline se mêlait au cœur et aux violons de la mélodie. La jeune fille ferma les yeux, sa peau douce et ses cheveux chatouillant posés contre le garçon. Lentement, celui-ci déposa un baiser sur sa tête, puis déposa la sienne contre celle de la jeune fille. La position n'était pas aussi agréable qu'il l'avait pensé, mais pour rien au monde, il n'aurait souhaité bouger. S'il l'avait pu, il serait resté comme ça jusqu'à la fin de sa vie. Il s'imagina assis dans un avion, pouvoir observer à travers la lucarne le ciel défiler devant lui, en la serrant dans ses bras jusqu'à l'arrivée. Pour la première fois, il avait tout ce qu'il lui fallait. Et cet instant lui donnerait la force de continuer à vivre, même à travers les moments difficiles. Parce que ce petit morceau de temps n'avait pas de prix. C'était ça, le sentiment d'être heureux.
Son esprit divagua, se remémorant le cauchemar qu'il avait fait cette nuit. Son sourire s'effaça. Il dégagea progressivement son étreinte. La jeune fille l'observa d'un air interrogatif. Il murmura :
— La police nous poursuit toujours... Je ne veux pas te mêler à ça.
Jane afficha une mine triste, balayant le lieu du regard comme si c'était la dernière fois qu'elle le voyait.
— Je sais.
Elle se racla la gorge et se releva, débranchant ses écouteurs et rangeant le walkman dans son sac. En soupirant, elle afficha tout de même un sourire déçu et pointa la petite fille du doigt.
— On devrait y aller. Si vous voulez faire un tour à la fête foraine, ce soir.
— Ouais...
En silence, ils retournèrent à l'intérieur et s'assirent à côté de Lou. Celle-ci fit mine de n'avoir rien entendu, terminant les derniers carreaux de chocolats de la tablette.
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Le Journal des Vagabonds
Adventure« Je suis allé dans les bois, parce que je voulais vivre délibérément. Ne faire face qu'aux essentiels de la vie, et voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à enseigner. Pour ne pas découvrir, quand je viendrais à mourir, que je n'avais...