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Moins de deux heures plus tard, plus de la moitié des techniciens de la gare étaient à leur poste. Les anciens patrouilleurs de la gare s'étaient empressés de passer les menottes à leurs « ex »-collègues et à la bande de Junior. Ousmane et Duma avaient emmené d'urgence Assane à l'infirmerie de la gare. Lou était parvenue à se rendormir. Deux militaires en service de jour restaient à ses côtés. Elle était la plus jeune personne à dormir dans cette gare. Il était sept heures du matin, lorsqu'Austin se rendit devant un des guichets. Une jeune femme aux lunettes triangulaires lui adressa un grand sourire, puis fronça les sourcils en constatant les coupures sur son visage. Malgré tout, le garçon lui rendit son sourire.

— J'aimerais prendre deux billets pour le premier train en direction de Marseille, s'il vous plaît.

Elle mit un moment avant de sortir de sa torpeur.

— Bien sûr... bredouilla-t-elle en secouant la tête. Un aller-retour ?

— Deux allers simples.

Elle hocha la tête en cliquant frénétiquement sur la souris de l'ordinateur. Derrière les verres de ses lunettes, elle affichait de gros yeux concentrés sur l'écran.

— Je n'ai qu'un TER, à huit heures et demie... Les billets sont à dix-neuf euros quatre-vingt-quinze. Vous pouvez le prendre, mais vous mettrez cinq heures pour arriver à destina...

— C'est très bien, la coupa Austin en lui tendant deux billets de vingt euros.

La jeune femme replaça correctement ses lunettes et accepta l'argent en haussant les épaules. Puis, en deux petits clics, l'imprimante derrière elle cracha deux feuilles cartonnées. Elle fit glisser son siège et les attrapa du bout des doigts, avant de les remettre au garçon.

— Et voilà !

— J'aurais autre chose à vous demander...

— Dites-moi.

— On a emmené quelqu'un à l'infirmerie, ce matin. Assane. Est-ce que je pourrai le voir ?

Elle pointa la porte en bois derrière elle.

— C'est au fond du couloir, je vous en prie. Demandez un peu de pommade, pour vous aussi.

Austin hocha la tête d'un air reconnaissant, et disparut dans l'allée. A sa grande stupeur, l'infirmerie était presque aussi petite que celle de son lycée. Elle ne contenait que deux lits. L'infirmier était occupé au téléphone. Le garçon passa sa tête dans l'encadrement de la porte. L'un des couchoirs était vide. Assane était affalé sur l'autre, les yeux entrouverts. Il sourit :

— Salut, mec.

— Où sont tes amis ?

— Ils témoignent. Auprès des bons flics.

Austin hocha la tête et plongea les mains dans ses poches, avançant d'un pas hésitant.

— Comment tu te sens ?

L'intéressé tapa de la main sur le matelas.

— C'est mieux que dormir par terre.

— Sans rire...

Assane se redressa pour le laisser s'asseoir et reprit :

— Je me remets facilement. J'en ai vu d'autres.

Il se tut. Le cadran accroché au mur blanc de la pièce brisait le silence. Le garçon observa l'aiguille des secondes défiler, tourna sa langue dans sa bouche et soupira.

Le Journal des VagabondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant