Un jour, Mona Moon sera une rebelle

Chapitre 10 : 1971 : Dame de Fane

Jour 2

Augustin Moon observait la table des convives devant lui. À sa droite, sa femme Marine. Puis sa fille Meredith, la petite dernière, déjà grand-mère à trois reprises. Il se sentit soudain bien vieux. À côté de Meredith se tenait Ignatus, son époux. Augustin ne l'avait jamais vraiment apprécié, même s'il avait sauvé l'honneur de la famille. Ignatus n'avait jamais eu la vraie carrure d'un Moon. Et puis cette nouvelle lubie de combattre le Maître des Ténèbres... Quelle idée saugrenue ! Malheureusement, il entraînait deux de ses fils dans cette folie : Gideon et Fabian. Heureusement, Edgar ne participait pas à cette absurdité. Lui, il aurait plutôt été dans l'autre camp. Mais le pire était l'époux de Molly, lui aussi commençait à parler de résistance. Tous cherchaient à dissimuler leurs agissements, même à Meredith ; mais Augustin savait toujours tout. Tout sauf une chose : pourquoi plus personne ne voulait faire des affaires avec les Moon. Ils s'en sortaient toujours très bien, d'habitude.

À une petite table voisine, les trois enfants d'Edgar étaient réunis. La petite Mona regardait les biscuits posés devant elle avec envie. C'était d'ailleurs pour elle qu'Augustin assistait à ce repas de famille, partant de sa descendance avec Meredith. D'habitude, il préférait voir ses autres enfants, Mira ou Fidel, avec leurs enfants et petits-enfants. Mais cette fois-ci, Mona Moon allait entrer à Poudlard, un petit briefing s'imposait. Augustin en avait longuement discuté avec sa femme.

Trois bonnes minutes s'étaient écoulées, et Mona put enfin prendre un nouveau biscuit sans paraître impolie.

Mona va encore attendre trois minutes avant d'en prendre un autre, pensa Augustin en souriant intérieurement.

Le regard de Mona se tourna vers la grande horloge. Elle ne cessa de la fixer que lorsque trois minutes furent écoulées. Elle prit alors un nouveau biscuit et but une gorgée de thé.

C'est vrai qu'ils ont l'air bon c'est machin avec un petit point blanc. L'elfe des ancêtres Moon est vraiment une perle. Comment s'appelle-t-elle déjà ? Ah oui, Vilmée, c'est la mère de Tutic, il me semble. Mais quand est-ce que quelque chose d'intéressant va se passer pour Mona ?

Maintenant ? Non.

La conversation des adultes se poursuivait, sans aucun intérêt pour Mona. Elle continua... continua... jusqu'à ce que...

— Mona, viens par ici, appela Marine.

La fillette jeta un coup d'œil à ses parents avant de rejoindre son arrière-grand-mère au fond de la pièce.

Je dis ça comme ça, mais le vieux Ed avait l'air tout fier que sa mémé souhaite parler à Mona.

Marine Moon tenait un rouleau de parchemin à la main. Elle le déroula devant les yeux de la fillette.

— C'est pour toi, annonça Marine. Une petite liste d'élèves de Poudlard.

Mona regarda silencieusement la liste avant de demander :

— Qu'a-t-elle de particulier, cette liste ?

— Ces élèves sont importants, il faudrait que tu te lies d'amitié avec eux. Que tu te présentes, que tu leur parles de temps en temps.

Purée, la vieille biquette est en train d'enrôler Mona. Mais que quelqu'un fasse quelque chose !

— Un souci ? demanda Edgar.

Nan pas lui, il risque d'envenimer les choses.

Marine dévoila à son petit-fils ce qu'elle expliquait à Mona. Pendant ce temps, la fillette jeta un coup d'œil sur le parchemin. Le seul qu'elle reconnut fut Gaiden Wilkes, ainsi que quelques noms qu'elle entendait depuis toute petite.

— Il faut aussi que tu saches présenter une personne, dit Marine. Savoir créer des contacts est bon dans tous les sens. Par exemple, si je veux te présenter Edgar, je te dirais : « Je te présente mon petit-fils, Edgar Moon. » À toi, présente-moi Terence par exemple, on va faire comme s'il était à côté de nous. Mais tu dois me vouvoyer, je suis une adulte.

Mona déglutit.

Ce n'est pourtant pas un exercice difficile, tu flippes pour rien ma fille.

— Je vous présente mon petit frère, Terence Moon.

— Bien, dit Marine. Mais il vaut mieux dire, « mon jeune frère ».

— D'accord.

— Et puis, il faut ajouter une petite phrase qui enrichit la présentation. Par exemple, pour Terence, tu peux dire « il entre à Poudlard l'année prochaine ».

— D'accord, répéta Mona.

Marine acquiesça, satisfaite. Elle échangea un sourire avec Edgar.

— Retourne t'asseoir, ordonna Edgar.

Mona hocha la tête.

C'est sa manière de faire une révérence ?

En traversant la salle, elle croisa sa grand-mère, Meredith, qui regardait Marine et Edgar en plissant les yeux.

En colère, la Meredith ? Allez, dégaine ta baguette et commence un combat en direct chez la vieille mémé !

...

Non ?

Mona regagna sa place, sans que rien ne se passe.

Zut.

Il fallut patienter encore deux heures avant que chacun ne rentre chez soi.

Quel dommage, il n'y aura plus de repas de famille comme celui-ci avant Noël... Bouh, que c'est triste. Pour ceux qu'on pas pigé, c'est ironique.

— Bon, nous avons du travail devant nous, dit Magda à sa fille. Il faut préparer tes valises.

Ça va être encore plus passionnant que le vieux Ed qui tape la causette avec sa mémé adorée. Allez, avance rapide. >>>>>>>>>>

Mona regardait la lune à travers sa fenêtre. Tout le monde dormait déjà dans la maison. Elle seule restait éveillée, trop excitée par la perspective d'aller à Poudlard le lendemain pour pouvoir se reposer. Sa toute nouvelle chouette la regardait à travers la grille de sa cage, sa tête pivota. Mona s'approcha d'elle.

— Tu veux un nom ?

Hé, y'a du progrès, elle ne parle plus à sa chambre mais à un être vivant maintenant.

La chouette hulula doucement, juste avant de ce taper le crâne contre la grille. Mona recula vivement.

— Il te faut un nom classe, dit Mona à distance. Il te faut un titre, ou une sorte de titre. Que dirais-tu de « Madame » ou « Dame » ?

La chouette la regarda avec un air particulièrement stupide.

— On pourrait t'appeler... hésita Mona. Madame... ou...

Elle réfléchit en silence.

Ça peut prendre du temps.

— Je sais ! s'exclama Mona. Dame de Fane !

Oh bonne mère ! Maintenant c'est sûr, tu as bien du sang Moon dans les veines ; y'a qu'eux pour donner un nom aussi bizarre à une chouette.

— Ça te plaît ?

La chouette agrippa la grille avec son bec et entreprit de ronger les barreaux.

Le piaf est en-chan-té ! Elle détruit sa cage tellement elle est jouasse.

— Alors c'est décidé. Bon, je vais me coucher. Bonne nuit, Dame de Fane.

Mona alla se coucher. Dame de Fane continua de ronger sa cage jusqu'au petit matin.