Chapitre 69 : 1975 : Funérailles de Séduction

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De longues minutes de silence passèrent. Le petit-déjeuner terminé, les trois enfants montèrent dans leurs chambres. En montant les escaliers, Mona s'arrêta devant une toile qu'elle avait toujours aimée : un simple paysage de peupliers. Elle remarqua que la signature en bas du dessin avait disparu et que le cadre semblait bien plus récent. Mona fronça les sourcils et observa les toiles voisines. Aucune n'avait de signature, et les cadres avaient tous été changés. Les tableaux originaux n'étaient plus là, remplacés par des copies.

Mona monta dans sa chambre, qui n'avait pas changé. Tutic y faisait toujours le ménage régulièrement. Elle s'avança vers la fenêtre pour observer la rue de Constantinople. Elle chercha les traces de craie sur le perron des voisins, mais elles avaient depuis longtemps été effacées par la pluie.

Ça fait cinq ans, après tout. On parle de craie, pas de la bêtise de ton père, ce n'est pas indélébile.

Mona jeta un coup d'œil aux vêtements sombres posés sur son lit. Elle reconnut la coupe de la robe qu'elle avait vue en photo dans le Sorcière Hebdo de Grace quelques semaines plus tôt. Sauf que cette fois, la robe était grise et sans motif, contrairement à la photographie où elle affichait une jolie couleur bleu ciel. Le reste de la tenue préparée par Magda était noir : le chapeau, les gants, les chaussures et le petit gilet en laine.

Et après, on s'étonne que les lecteurs me trouvent féminin. C'est de ma faute, je n'ai qu'à ne pas recopier le dernier numéro de Vogue !

Mona observa sa robe avec un regard appréciateur, puis elle retira sa veste.

Et nous, on sort. On va attendre dehors que cette jeune fille se change.

Lorsque Magda appela ses enfants depuis le rez-de-chaussée, Mona sortit de sa chambre, vêtue de la robe grise, tenant le chapeau à large rebord entre ses doigts gantés.

J'essaye de vous faire comprendre que Mona est juste hyper élégante.

Arrivée dans le salon, Mona se regarda à nouveau dans le miroir. Elle remarqua avec surprise que c'était la première fois que sa mère lui offrait une tenue qui mettait en valeur ses formes.

Même s'il n'y a pas grand-chose à mettre en valeur, t'es plate, jeune fille.

Terence avait dû le remarquer, car il fronça les sourcils en voyant la tenue de sa sœur.

— C'est un enterrement, pas un carnaval.

— C'est notre mère qui a choisi nos tenues, rappela Mona.

— Exactement, dit Magda en entrant dans la pièce. Et cette robe te va très bien.

— Merci, répondit Mona en essayant de mettre son chapeau correctement.

Magda vint à la rescousse de sa fille.

— N'hésite pas à le porter à la main dès que la cérémonie sera terminée, expliqua Magda. Ça t'occupera les mains, et on verra mieux ton visage.

Elle passa une mèche des cheveux de Mona derrière l'oreille, reposa le chapeau sur sa tête, puis finalement remit les cheveux de sa fille dans leur position initiale.

— On va te présenter du monde, avoua Magda après une hésitation.

Mona releva la tête.

— Moi, Terence et Hugh ?

— Surtout à toi, avoua Magda, mal à l'aise. Essaie de faire bonne impression.

— Pourquoi surtout à moi ?

— On anticipe. Tu n'as que quinze ans, ce n'est que de l'anticipation.

— Pardon ? fit Mona en semblant comprendre.

Un jour, Mona Moon sera une rebelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant