Chapitre 31 : 1973 : La vieille tradition

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Jour 2

Mona s'installa près de Grace, qui, une fois de plus, s'était placée au milieu des garçons. Elle luttait contre le sommeil qui la gagnait. La tête baissée sur son bol de porridge, elle n'entendait pas les conversations des autres élèves. À un moment, elle comprit sans lever la tête que le courrier arrivait. Mona ferma les yeux, prête à s'endormir, mais juste avant que son nez ne tombe dans son bol, un cri aigu de chouette la fit sursauter. Elle écarquilla les yeux en voyant Dame de Fane se poser juste devant elle. L'animal ouvrit violemment ses ailes et les agita furieusement en direction de Grace, qui sauta aussitôt de son siège pour se cacher derrière Mulciber. Le volatile changea alors de cible pour se concentrer sur Gaïden Wilkes.

– Ça suffit, dit Mona d'une voix plate. Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'as même pas de courrier !

Ton pigeon voulait peut-être essayer de causer des crises cardiaques à Grace et Wilkes.

La chouette lui tourna le dos, reprit son envol et disparut à travers l'une des hautes fenêtres de la Grande Salle.

– Est-ce qu'un jour elle arrêtera d'essayer de nous tuer ? demanda Grace en revenant s'asseoir auprès de son amie.

J'espère pas, c'est tellement marrant de vous voir flipper devant de la volaille enragée.

– Écoutez ça, dit froidement Mulciber.

Tous se tournèrent vers lui. Le jeune garçon tenait un exemplaire de la Gazette du Sorcier entre ses mains.

– Hier après-midi, plusieurs sorciers de Liverpool ont donné l'alerte au Ministère de la Magie. La Marque des Ténèbres flottait au-dessus d'un hôtel moldu. Les Aurors arrivés sur place ont trouvé une dizaine de cadavres...

La voix de Mulciber devenait de plus en plus enjouée à mesure qu'il avançait dans son récit. Mona était horrifiée d'entendre cette voix raconter de telles atrocités. Elle ne comprenait plus ce qu'il disait, elle n'entendait que la joie qu'il éprouvait en relatant les monstruosités commises contre les Moldus.

– Je savais que quelque chose de géant s'était passé, déclara-t-il en reposant le journal.

Cool, allons tuer des gens parce que c'est "géant". Espèce de tordu.

Mona détourna la tête. Elle ne voulait pas parler et espérait qu'on ne l'y inviterait pas. Son regard tomba alors sur la table des professeurs, et elle remarqua avec surprise que le directeur, Albus Dumbledore, la regardait. Elle attendit quelques secondes, puis détourna la tête, déconcertée.

Oulala, mais qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi Dumbledore regarde-t-il Mona comme ça ? Ben vous le saurez pas... jamais, c'est con, hein ? Je suis le plus méchant des narrateurs. MOUHAHA ! ... pitain, je me fais peur à moi-même.

– On y va ? demanda Mona à son amie. Je n'ai vraiment plus faim.

Grace sursauta. Habituellement, les filles attendaient que Mulciber se lève pour partir en même temps que lui. C'était une tradition respectée par tous les élèves de leur année. Mona réfléchit à toute vitesse et réalisa, effarée, que son comportement pourrait faire croire aux autres qu'elle voulait fuir dès que Voldemort devenait le sujet de conversation. Effectivement, elle vit Mulciber et Avery échanger des regards surpris.

– Il faut que j'aille au petit coin, chuchota Mona assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre.

– Oui, bien sûr, dit Grace en se levant d'un bond.

Les deux filles s'éloignèrent en direction de la porte. Dans le hall, elles croisèrent les quatre garçons de Gryffondor de leur année. Mona adressa un sourire à Peter et s'apprêtait à s'approcher pour le saluer, mais le garçon sembla soudainement très pressé et fila en tête de son groupe. Sirius Black aperçut la scène et lança un regard meurtrier à Mona, qui lui répondit par un large sourire sarcastique.

– Où tu vas ? demanda Grace quelques secondes plus tard.

– Ben... à notre cours de botanique.

– Je croyais que tu voulais aller aux toilettes.

Grillée. Tu veux essayer de rester concentrée trente secondes ?

– Tu sais...

– Tu voulais juste t'en aller ? demanda Grace.

– Mulciber m'a fait flipper, lâcha Mona.

– Moi aussi, admit Grace. Je suis d'accord avec les préceptes de Tu-Sais-Qui, mais pas au point de me réjouir d'entendre que des Mangemorts ont coupé la tête d'un enfant moldu pour l'agrafer sur une porte.

Mais c'est horrible ! Bellatrix Lestrange est déjà engagée chez les Mangemorts ? Je suis sûr que ça vient d'elle.

– Il faut absolument qu'on se débarrasse de cette tradition à la con, déclara Mona. On ne peut pas continuer à attendre que Mulciber se lève pour partir à notre tour. Il pourrait croire qu'il peut nous entraîner dans je ne sais quoi.

– Tu as raison, on va se débarrasser de ce rituel, proclama Grace. Pour commencer, nous devons trouver une excuse par semaine, puis deux, puis trois, et cette routine disparaîtra sans choquer personne. On a donc plusieurs jours pour trouver une nouvelle excuse.

Vous allez faire de la lutte anti-Mangemorts ? Bon, d'accord, c'est de la lutte anti-Mangemorts pour des gamines de treize ans. Et puis, ce n'est pas vraiment anti-Mangemorts, mais plutôt anti-futur-Mangemort. Mais c'est un début, les filles, c'est un début. Je suis fier de vous, limite la larme à l'œil... sauf que j'ai pas d'yeux, pas de larmes... donc pas de larme à l'œil.

Quelques heures plus tard, Mona tentait de décrypter les prédictions que lui envoyaient des feuilles de thé séchées. Elle scrutait désespérément le fond de sa tasse sans rien y voir. Elle jeta un discret coup d'œil à sa nouvelle voisine de table, mais Lily Evans semblait tout aussi déconcertée qu'elle.

– Bien, dit le professeur Tradewell. Vous avez toutes les deux eu suffisamment de temps pour repérer les indices. Miss Moon, commencez. Que voyez-vous ?

Mona replongea son regard dans sa tasse. Elle ne voyait rien et appréciait que la mini-humiliation qui allait suivre ne se déroule que devant son enseignante et une élève tout aussi peu douée qu'elle.

– Eh bien, commença Mona, hésitante, je crois voir un bateau.

– Un bateau ? répéta l'enseignante.

Elle s'approcha de la jeune fille et prit sa tasse. Elle la scruta quelques secondes, captivée.

– C'est pourtant une tasse très intéressante que vous avez là. Essayez de prédire quelque chose de plus significatif pour Miss Evans. Sa tasse est très révélatrice.

Mona récupéra la tasse et y plongea à nouveau son regard.

– Laissez-vous envahir, mettez vos petits tracas quotidiens de côté, laissez votre esprit s'ouvrir, laissez tomber vos défenses.

Le professeur Tradewell employait un ton étrange, comme si elle était pressée.

Elle est louche, la Cassandre en puissance, je vous le dis.

Mona respira profondément, essayant de vider son esprit et de se concentrer uniquement sur la tasse.

Un jour, Mona Moon sera une rebelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant