Un jour, Mona Moon sera une rebelle

Chapitre 58 : 1974 : Les empêcheurs de rompre

Elle se retourna vivement et vit le professeur McGonagall qui se tenait dans l'encadrement de la porte de sa classe, les yeux rivés sur une pile de parchemins.

– Tout va comme vous voulez, Miss Moon ? demanda-t-elle sans la regarder.

– Ou... oui.

– C'est curieux, cette tradition qu'ont les femmes de votre famille, dit l'enseignante toujours sans la regarder.

– Comment ça ?

McGonagall se tourna vers elle.

– Des Serpentards qui se lient d'amitié avec des Gryffondors en secret.

Mona sentit une goutte de sueur froide couler le long de sa nuque. McGonagall les avait vues.

Tes neurones ne l'ont compris que maintenant ?

– Votre grand-mère Meredith était pareille. Nous faisions nos études à la même époque. Elle faisait semblant de s'entendre très correctement avec nous, les Gryffondors, mais en réalité, elle avait développé des liens plus forts avec certains d'entre nous. Notamment avec Ignatius.

– Oui, dit Mona, légèrement paniquée. On m'a parlé de cette histoire.

– Ignatius n'était pas le seul, ajouta McGonagall. Mais ça, je l'ai appris plus tard.

Elle esquissa un sourire en regardant le plafond, plongée dans ses souvenirs.

– Bon, eh bien, j'ai des choses à faire, dit Mona en reculant.

Oui, une rupture !

– Oui, oui, dit le professeur vivement. Faites, faites...

Mona se retourna pour prendre la direction de la bibliothèque.

– Pauvre James, murmura l'enseignante. Il n'aurait pas dû faire ça à Bertram. C'est un gentil garçon.

Mona se figea. McGonagall venait-elle de dire que... ?

Oui, elle l'a dit, mais ça, on s'en fout. Remonte plus haut, elle a aussi dit « Ignatius n'était pas le seul ». Tu n'as pas envie de savoir de qui elle parle... de ton vrai grand-père par exemple !

Mona fit semblant de ne rien avoir entendu et poursuivit sa route vers la bibliothèque.

– Mona !

Allez, encore une ! C'est qui maintenant ?... Irène la causeuse niaiseuse.

– Tu vas rompre avec James ? demanda-t-elle sans préambule.

– Oui, dit Mona. Mais n'en parle pas trop, s'il pouvait être mis au courant avant le reste de l'école, ce serait bien.

Ça me semble mal parti, Sirius est déjà au courant, Lily aussi, Grace aussi, même McGo l'est !

– Tu me connais, dit-elle. Je suis une tombe.

C'est angoissant, une tombe qui parle autant.

– Ma pauvre, continua Irène. Comment il a pu faire ça à Bertram ? C'est un des seuls mecs gentils de Serpentard. Bon, il traîne avec ton frère, mais bon, il ne peut pas être parfait. Quoique pour que James balance ce sortilège, Terence a dû déteindre sa connerie sur Bertram.

Irène, tu ne brilles pas par ton intelligence, mais Terence est le frère de Mona. Pense à le faire rentrer dans ton crâne à l'occasion.

– Je lui demanderai, dit Mona en essayant de passer, mais Irène la retint.

– Tu sais quoi ? dit-elle. Tu devrais le larguer en public devant tout le monde.

Nan mais t'es une vraie connasse, toi ! Il ne mérite pas ça !

– Hein ? Mais non !

Tiens, même Mona est d'accord avec moi, elle trouve aussi que t'es une vraie connasse... si c'est écrit entre les lignes. Oui, il peut y avoir « t'es une vraie connasse » caché dans « Hein ? Mais non ! ».

– En tout cas, je compatis, reprit Irène. Ça ne doit pas être facile de stopper une relation comme ça.

Arrête, ça fait trois jours qu'ils sont ensemble.

– Au bout d'un moment...

La routine s'installe... c'est qu'elle se lasse très vite, Mona.

– Bref, dit Irène. Ne flanche pas, largue-le et basta !

Basta la vista, baby !

– Il doit être dans la bibliothèque, dit Mona en essayant à nouveau de passer.

– Non, ça fait déjà un moment qu'il est sorti. Il doit être dans la Grande Salle à présent.

– Bon ben j'y vais.

Mona fit volte-face et s'éloigna sans qu'Irène ne puisse la retenir. Elle reprit les escaliers et s'arrêta devant la porte en chêne. Elle regarda à l'intérieur de la Grande Salle sans y entrer.

– Alors, c'est fait ? demanda une voix derrière elle.

Encore une nana casse-pieds. Mais laissez-la rompre !

– Grace ! Tu m'as fait peur, s'écria Mona en se retournant brutalement.

Tu fais peur, Grace, t'es trop lâche et trop blonde en même temps.

– Alors ? insista Grace.

– Alors quoi ?

– C'est fini avec James ? C'est bien pour ça que tu m'as demandé de partir devant.

– Oui, dit Mona.

– T'es pas trop triste ? demanda Grace, attristée.

– Hein ? Non, c'est pas encore fait !

– Mais tu m'as dit...

– Oui, mais c'était pour... laisse tomber. Tu vois James ?

Mona se mit sur la pointe des pieds pour mieux voir les élèves qui mangeaient.

– Il est sorti il y a une minute à peine, apprit Grace. Il se dépêchait parce qu'apparemment l'équipe des Gryffondors s'entraîne ce soir.

– Donc, il est dans le parc ? demanda Mona.

Ils s'entraînent peut-être dans les cachots...

– Y'a des chances, approuva Grace. Tu peux le rattraper avant qu'il n'entre dans les vestiaires.

Mona poussa un long soupir et prit la route du parc.

Comme quoi, couper une relation n'est pas une chose simple.