Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |

7 - Tu retournes à Rouses Point ?

Aydan

Voilà une semaine et demie que je me terre dans ma chambre, le cœur paralysé. J'en sors uniquement pour pisser, manger un bout et effectuer un brin de toilette quand il n'y a plus personne dans les parages.

Allongé dans mon plumard telle une putain de larve, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Le temps défile, les questions tournent dans mon esprit sans relâche. Comment en une fraction de seconde, quatre vies peuvent basculer dans le malheur ? Comment en une fraction de seconde, j'ai pu perdre tout ce qui me rendait heureux ? Comment Zorah a pu m'aimer autant pour me haïr l'instant d'après ? Et surtout, comment vivre dans un monde où une partie de moi a disparu ?

J'ai besoin de Zorah et Malia pour surmonter ça, je ne cesse de penser à elle. Elles me manquent, c'est atroce. La douleur s'est logée sous mes côtes, pour ne plus me quitter, et j'erre ici à la manière d'une âme en peine avec des envies que je refoule difficilement. Notamment celle de sentir la peau de ma femme contre la mienne, de la respirer, d'être enveloppé dans son odeur qui m'a si souvent apaisée, et lire à nouveau l'amour dans ses yeux. Je ne peux pas croire que c'est fini.

Les jours passent et se ressemblent, Ely et Jay ont élu domicile ici, ils me veillent comme si j'étais un foutu môme. « Aydan ceci. », « Aydan cela. », » Aydan tu as besoin de ceci, de ça ? », « Tu viens travailler, aujourd'hui ? », « Il faut que tu parles. », « Tu dois manger. », et j'en passe. Ils ne me lâchent pas, je deviens dingue, alors je m'enferme dans cette chambre que je ne peux pas encadrer. Mais, ce qui me rend plus taré encore, c'est le fait que Sean s'incruste de plus en plus souvent. Ely lui accorde le bénéfice du doute, je pense qu'elle voit en lui une personne de plus pour me surveiller, mais elle n'a pas conscience que si je dois vriller, je le ferai, qu'importe qui est présent avec moi. Moi, je ne distingue qu'un cafard grappillant des infos pour l'ennemi, mais je n'ai pas le courage de me quereller avec quiconque. Tout ce que je veux c'est retrouver mon chez-moi et mes amours.

Zayshann passe tous les jours pour donner des nouvelles de sa sœur, mais aussi pour en prendre de nous. Hélas ! même quand il est là, je ne sors pas de mon trou. Depuis que Zorah m'a dégagé comme un chien, je ne converse plus, je n'en ai pas la force. D'ailleurs, de quoi parlerais-je ? Du fait, que je ne pensais ne pas connaître pire que la mort de ma fille, mais que chaque jour, je me rends compte que je me trompais lourdement. Qu'en plus du deuil de Maze, je dois également faire une sorte de deuil sur la famille que nous formions avec Zorah et Malia ? Je suis déjà à ressasser tout ça en continu, alors en discuter ne me tente absolument pas.

D'après les bribes de conversations qui me parviennent, Zorah s'est totalement repliée sur elle-même, elle est devenue agressive avec sa famille, sauf avec Malia. J'ai beaucoup de mal à l'imaginer de la sorte alors qu'elle a toujours fait preuve d'une grande tendresse envers eux. Envers moi aussi, et pourtant... Malgré son rejet tout ce que je ressens pour elle est mitigé. D'un côté, j'ai de la peine à son égard, tellement que ma conscience ne cesse de me hurler d'aller la retrouver. J'aimerais être près d'elle pour la soutenir, mais elle a choisi, elle ne souhaite plus me voir et je me refuse à forcer quoi que ce soit. De l'autre côté, je lui en veux de nous faire subir ça, d'autant qu'en me privant d'elle, elle m'oblige à faire une croix sur Malia. La petite était mon ancre, mon oxygène et elle me donnait la force de me lever chaque matin pour affronter tout ce bordel. Maintenant, je me retrouve seul. Bien sûr, j'ai Ely et Jay, mais ils ne sont pas ceux avec qui je désire être. Je veux les voir, elles. J'ai même pensé à quémander une visite de Malia à Alexandre, mais il refuserait à coup sûr de peur de s'attirer les foudres de Zorah. Et comme je l'ai dit à ma princesse, je n'ai aucun droit sur elle, cette situation me rend instable émotionnellement, tantôt agacé, tantôt bon à ramasser à la petite cuillère, tantôt perdu... J'ignore comment réagir réellement face à ce que je traverse.