Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |

60 - Vous êtes bien mystérieuse

♥️Zorah♥️

Ce matin, j'attends la visite de William avec impatience. En effet, hier après-midi, mon beau brun a évoqué le fait qu'il aimerait annoncer ma grossesse à son père biologique. Je l'ai évidemment encouragé à le faire, mais Aydan est ce qu'il est et converser seul de sa vie avec cet homme qu'il reconnait à peine comme son véritable paternel relève de l'impossible. Voilà comment je me retrouve à trois mois et demi de grossesse à faire le pont entre eux deux.

Alors que je suis au comptoir en train de siroter mon chocolat chaud, Marvin m'informe que William vient d'entrer. J'appelle aussitôt mon homme, pour le prévenir, il m'indique qu'il sera là dans une dizaine de minutes.

- Bonjour, bonjour, s'exclame le quinquagénaire en nous partageant sa bonne humeur.

- Bonjour, réponds-je, en reposant ma tasse sur le comptoir.

Marvin le salue à son tour et l'interroge sur ce qu'il désire, comme d'habitude, l'homme commande un café noir et sans sucre. Alors que je chipe une douceur discrètement, je demande à William s'il en veut une, il acquiesce, et lorsque Marvin revient vers nous pour déposer le breuvage devant notre client. Il nous observe inquisiteur.

- T'es pas possible comme fille, se plaint-il.

- Ah non ! Cette fois, ce n'est pas moi, mais William, feins-je innocente.

Les yeux ronds comme des soucoupes, ce dernier avale sa bouchée de travers à l'entente de mon mensonge. Je ricane et chuchote :

- Jouez le jeu, je vais me faire engueuler sinon.

- Non ! Mais... Zo t'es cramée parce que je t'ai vu. Et depuis quand ça se fait d'accuser ses clients ?

Je hausse les épaules :

- Je ne sais pas, j'avais juste envie d'essayer. Et vu la réaction de William, j'ai bien fait.

- Sale gosse !

- Je ne vous le fais pas dire, badine le père d'Aydan, en me bousculant doucement de l'épaule.

- William, vous avez du temps à m'accorder aujourd'hui ?

- J'ai exactement une heure devant moi, m'informe-t-il en regardant sa montre.

- Parfait ! Suivez-moi, le prié-je. Marvin, tu peux apporter un second café, s'il te plaît ?

Les deux hommes s'exécutent sans demander leur reste et je conduis William à une table, près de mon bureau, où je l'invite à prendre place.

- Que puis-je pour vous ?

- Aydan va arriver, nous avons quelque chose à vous annoncer.

William me scrute, ses iris, semblables à ceux de mon homme, plongent dans les miens.

- Ne me regardez pas ainsi, je ne peux rien vous dire tant qu'il n'est pas là.

- Vous êtes bien mystérieuse.

- Mais, non ! En fait, j'ai fini votre recommandation, c'était une merveille, déclaré-je, pour détourner son attention.

Marvin nous interrompt et laisse le café à table, puis William et moi reprenons notre discussion littéraire pour quelques minutes puisqu'Aydan ne tarde pas à nous rejoindre. Je souris en le voyant arriver. Il dépose un baiser sur mon front et serre la main à William avant de s'assoir près de moi. Sa paume trouve aussitôt refuge sur ma cuisse et je glisse la mienne dessus. Nos doigts s'entrelacent et je sens à la force dont les siens me pressent qu'il est stressé. Je le comprends, depuis la révélation de Lara, ils ne se sont pas revus, et Aydan ne sait pas trop quoi faire des informations qu'il a reçues. Toujours est-il, qu'il a décidé que son père biologique avait le droit d'être au courant du fait que nous attendions un enfant. Ce qui selon moi, signifie qu'il est prêt à le laisser entrer dans sa vie.

- Je vous écoute, s'enquit William, me sortant de mes pensées.

- Alors comme ça, vous êtes un homme impatient ? taquiné-je, celui qui ressemble tant à mon conjoint.

- Je dirais curieux, répond-il.

Je souris avant de regarder Aydan. D'un mouvement de tête, je le pousse à prendre la parole, ses sourcils se froncent instantanément. Il n'aime pas ce genre de situation, et nul doute qu'il cherche quoi dire à son sosie.

- Si nous voulions vous voir, c'est parce que nous avons une nouvelle à annoncer. Et étant donné votre relation avec Zorah et nos liens biologiques, ça nous semblait normal de vous tenir informé. Alors voilà, elle est enceinte de presque trois mois et demi.

Je pince mes lèvres pour tenter de retenir mon fou rire et pour camoufler mon sourire, mais visiblement, c'est peine perdue, Aydan me donne un coup d'épaule.

- Arrête de te moquer ! Tu n'avais qu'à le lui dire, petite maligne, marmonne-t-il.

- Pardon ! C'était bien, c'était concis. Tout toi, quoi ! levé-je les mains en reddition.

William nous offre une expression de surprise, bien moins hilarante que celle au comptoir. J'imagine sans mal qu'il ne s'attendait pas à une telle annonce, nous le prenons de cours, le pauvre homme. L'étonnement laisse place à un sourire malicieux qui apparait sur ses lèvres lors de nos chamailleries. Alors qu'il s'apprête à parler, je lui fais signe d'attendre.

- De plus, même si Aydan n'est pas très expressif, dis-je en souriant à mon homme, nous aimerions que vous fassiez partie de la vie de notre enfant. Enfin, si vous êtes d'accord et surtout si ça ne pose pas de problème à votre famille. Vous êtes libre d'accepter, ou non, mais aussi de choisir quel type de relation vous voudriez entretenir dans l'hypothèse où vous seriez d'accord. Mais, j'insiste, rien de tout cela n'est obligatoire, et si vous déclinez, il n'y a pas de soucis, on le comprendra.

Aydan acquiesce à mes propos. Quant à William, la tête penchée sur le côté, il m'observe étonné, voire sonné par ma déclaration. Son regard passe successivement de son fils à moi, il se redresse, et s'apprête à répondre. Les doigts d'Aydan se cramponnent davantage aux miens, si bien j'en ai les bouts rouges et froids.

- Puis-je demander pourquoi ?

- Le père de Zorah et Ray ne sont plus là, Lara n'approchera jamais de notre enfant. Ce petit être à venir n'aura que la mère de Zorah comme grands-parents. Sachant qui vous êtes pour moi, j'ai pensé que ça pourrait être le début de quelque chose entre nous, mais comme l'a mentionné Zorah, on ne vous met pas le couteau sous la gorge. Vous pouvez refuser, on ne vous en voudra pas.

William acquiesce et se perd dans ses songes. Aydan maintient toujours ma main avec force, je tourne la tête vers lui, nos regards s'arriment, je vois ce qui lui en coute de faire ce premier pas vers son père biologique, je sais qu'il craint un refus qui engendrerait une déception, et je reconnais que je n'en mène pas large non plus.

J'ai conscience que nous en demandons beaucoup à William, mais l'homme qui nous fait face est une belle personne et je serai ravie qu'il soit présent dans la vie de notre bébé, mais aussi, et surtout dans celle d'Aydan. Je caresse la peau de la main de mon ours avec mon pouce, il ferme instinctivement les yeux, ses lèvres s'étirent et éclaircissent son visage peu avant que notre interlocuteur nous interrompe en fixant son fils.

- Je n'ai pas eu le droit d'être ton père, mais je serai honoré de découvrir votre famille, d'avoir une seconde chance avec toi et d'être le grand-père de ce petit bout de chou. Je vous remercie de me donner ce privilège, déclare-t-il ému, en se tournant vers moi.

- C'est nous qui vous remercions, William, rétorqué-je, alors qu'Aydan ne réagit pas.

- Je ne m'attendais pas à une telle surprise, murmure-t-il.

- Il fallait bien un début à notre histoire, répond mon homme, en sortant enfin de son mutisme.

Je me fais petite et discrète, mais ce moment me touche énormément. Je sais qu'Aydan n'est pas à l'aise, mais le fait qu'il ait amorcé ce premier pas me rend fière de lui et ce qui en ressort me comble de joie pour eux et pour mon bébé. Les deux hommes à mes côtés méritent d'apprendre à se connaître. Mon Aydan a le droit de se reconstruire sur une base plus solide que la précédente.