49 - À quoi bon lui en vouloir ?

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Aydan

Installé dans la cuisine, en face de Zorah qui dévore son encas, je peine à réaliser tout ce qu'il se passe ce soir. Sachant qu'elle n'est pas à l'aise quand on l'observe trop longtemps, je laisse mon regard fureter dans la pièce. Je remarque que sur le tableau blanc qui sert de « to do list », mon mot n'a pas été effacé et que l'amour que je porte à mes princesses est toujours présent au sein de ce foyer qui me manque atrocement. Mon cœur s'emballe à cette constatation, il en frémit même, je sens la partie de moi que je pensais morte, calcinée par les flammes du rejet de Zorah, renaître. Un peu comme lorsque la nature reprend doucement ses droits sur une terre abandonnée et vide de vie. Zorah représente pour moi, la nature et je suis cette terre sans attrait à qui elle redonne une nouvelle existence. J'ai bien conscience qu'avancer ensemble ne sera pas facile. Il me manque beaucoup de réponses et elle n'est pas du tout prête à me parler de l'accident, mais je patienterai parce ce que je préfère infiniment ça, que la voir vivre loin de moi.

À présent, j'en sais un peu davantage sur son état d'esprit, j'aurais préféré qu'elle accepte mon pardon et qu'elle me revienne totalement, mais ce n'est pas le cas et je vais devoir faire avec. Bien que je ne sois pas un homme doté d'une grande patience en règle générale, pour elle et sa fille, je suis prêt à tout. Et tout commence par prendre le temps de nous redécouvrir.

- Je n'ai pas su me résoudre à l'effacer, pourtant, il m'a transpercé le cœur à mainte reprise.

Ses mots me ramènent à elle.

- Pour quelle raison ?

- Lorsque je suis rentrée de l'hôpital, mon rapport à toi avait déjà changé, mais à ce moment-là, il était clair dans ma tête que tu ne pourrais jamais me pardonner. Ce petit mot rempli d'amour m'a souvent fait éclater en sanglots, parce que j'ai tout fichu en l'air avec ma connerie et je m'en veux énormément.

- Tout n'est pas gâché, Zorah.

- Je l'ignorais. Et je t'avoue que je peine à assimiler tout ce que tu m'as dit tout à l'heure. J'ai espéré tes mots avec force et je pensais trimer comme une dingue pour que tu daignes m'accorder ton attention. Je n'ai jamais cru que ça serait simple, pas même dans mes rêves les plus fous, et pourtant c'est le cas, ça l'est et c'est ce que je n'arrive pas à comprendre.

- Ça n'est pas aussi facile que ça, puisque tu te flagelles sans l'aide de personne.

- Ce n'est pas ce que je fais, mais il faut croire que je suis plus rancunière que toi.

- T'es surtout exaspérante, mais soit. Ça te concerne toi, et tant que tu me laisses t'approcher, ça me va. Tu finiras bien par te pardonner à toi-même.

Elle acquiesce, mais ne semble pas convaincue. J'admets que le fait qu'elle s'en veuille me soulage, ça démontre qu'elle regrette ce qu'elle nous a infligé, néanmoins de l'autre côté, ça m'ennuie parce que je ne sais pas à quel point elle peut être intolérante envers elle-même. Dans mon esprit, la peur que Zorah n'arrive pas à se pardonner et qu'elle refuse que nous reconstruisions ce que nous avions s'insuffle lentement, mais sûrement. Je n'ai pas la moindre envie qu'elle me grignote à petit feu, alors j'aiderai ma femme à retrouver la paix, parce que cette situation n'est pas envisageable.

- Au fait, tu comptes te faire porter pâle demain ? s'informe-t-elle, en ancrant ses iris azur dans les miens.

- Non, pourquoi ?

- Tu m'as demandé d'établir une liste cette nuit, je pensais que tu serais là pour l'entendre et pour la faire avec moi, répond-elle en haussant les épaules.

- Je compte bien être présent, mais pour le peu que j'arrive à dormir ces derniers mois, je serais apte à me rendre à la salle même en restant encore un peu.

Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant