Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |

57 - Baliverne !

Zorah

Ce matin, il n'y a pas foule au café, installée à mon bureau, je rêvasse plus que je ne travaille pour ne pas changer. Mes pensées me renvoient à la veille. À ce que j'ai ressenti lors de la première visite d'Aydan, à ma confusion face à son départ, je n'ai pas compris sa réaction tout comme il n'a pas compris la mienne. Ce genre de situation peut tout faire basculer et après sa fuite, je me suis effondrée parce que je ne savais pas ce qu'il adviendrait de nous. Ce nous, si fragile alors qu'il était si fort avant l'accident.

Après son départ, la boule dans mon estomac n'a pas cessé d'accroitre et même s'il est revenu, elle demeure présente à chaque fois qu'il apparaît dans mon champ de vision. J'ai peur, je suis tétanisée par le fait qu'il puisse se ressaisir et me laisser seule dans mon coin. Chaque jour depuis qu'il m'a dit me pardonner, je suis tenaillée par cette crainte, pire encore quand il me parle d'Amélie.

J'ai conscience que je dois simplement lui faire confiance et en théorie, c'est le cas. Je sais quel genre d'homme il est, toutefois une part de moi ne peut s'empêcher de douter parce que je l'ai blessé et le karma fait un mal de chien quand il nous revient en pleine tronche. J'en ai déjà fait les frais et visiblement je n'ai pas appris de mon passé, alors j'appréhende ma sentence. Je la mériterai, je ne dis pas le contraire, mais je n'ai pas envie de le voir s'éloigner de moi. Je l'aime, je voudrais pouvoir remonter le temps et éviter toute la souffrance que je lui ai infligée. Hélas ! C'est impossible et je dois tout faire pour expier ma faute.

S'il a besoin que je lui prouve mon amour, je m'exécuterai, s'il a besoin de plus de démonstration que ce dont je suis capable, alors je m'exécuterai, s'il faut que je me plie en quatre pour qu'il n'ait plus jamais à se demander si je tiens à lui, je m'exécuterai encore. Je ferai tout et n'importe quoi pour le garder dans nos vies.

À sa deuxième visite, j'ai ressenti un immense soulagement, toute la pression qui me tenaillait s'est évaporée. Je n'avais pas besoin de ses excuses, seulement de sa présence, alors quand je l'ai vu devant moi, sans aucune colère dans son regard, sans aucun reproche dans ses mots et dans sa voix, c'est comme s'il m'avait fait inhaler une dose d'opium. Je me suis sentie si légère, tranquille, bien tout simplement. J'aurais pu en chialer tant il m'a apaisée instantanément, si bien que je n'ai pas hésité un instant à me blottir dans ses bras, là où est ma place. Quand il m'a embrassé, j'ai eu l'impression d'être en chute libre. J'aurais dû l'en empêcher parce que ce ne sont pas ce que font deux « amis », mais je crois que nous ne l'avons jamais été, même avant que l'on ne devienne un couple.

Son baiser m'a procuré une intense euphorie, j'aurais voulu que ça ne s'arrête jamais, que cette sensation dure toujours, aujourd'hui, je sais que je suis totalement dépendante de lui. Je sais que sans lui, je ne suis plus vraiment moi. Cet homme possède une partie de mon âme au même titre que ma fille et je donnerai ma vie pour chacun d'eux sans hésiter.

- Quel est ton job exactement ?

Marvin m'interrompt dans le fil de mes songes.

- Je ne suis pas payée à rêver ?

- Je ne pense pas que c'était convenu, sourit-il espiègle. Tu penses à ce beau brun qui me rend dingue depuis presque un an ?

- Ça se pourrait, en effet, ricané-je.

- Ah ! Comment t'en vouloir ? La factrice a un recommandé pour toi.

Je me lève et le remercie de m'avoir avertie avant de rejoindre la femme en tenue bleu marine et jaune. Je la salue et signe le recommandé, puis elle me délivre une lettre qui me porte un coup de massue. Le tampon judiciaire incrusté sur le papier fait voler mon cœur en éclat. Je tente de rester impassible, mais mes mains tremblent et mes jambes peinent à me soutenir. La factrice me souhaite une bonne journée, sa voix me paraît si lointaine, je bredouille une réponse, mais j'ignore si elle m'a entendue. Debout au milieu du café, j'observe l'enveloppe que je tiens. C'est trop dur.