66 - Toi et ton mètre dix 

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Zorah

Savoir qu'elle avait des vues sur lui n'était déjà pas facile à encaisser, mais la voir l'embrasser m'achève. Le cœur meurtri et totalement à vif, je n'ai qu'une envie, c'est de fondre en larmes, mais il est hors de question que l'on me voit dans cet état.

Je me rends aux toilettes en priant pour qu'il n'y ait personne, j'ai besoin d'être seule. De relâcher la pression.

J'entre dans la pièce et soupire de soulagement en constatant que c'est vide. J'actionne l'interrupteur et referme derrière moi. Le dos contre la porte, un premier sanglot m'échappe. Partagée entre la rage et la tristesse, j'ignore quelle émotion j'évacue.

Les yeux fermés, la tête contre le rempart qui me coupe du monde, je ne fais que revoir leurs lèvres scellées. La rage gronde et résonne en moi aussi fort que la foudre frappe. Tout s'emmêle dans ma tête. Ma haine pour elle, ma colère contre lui, et mon dégoût envers moi-même. Si je n'avais pas rejeté Aydan, nous serions ensemble et il n'aurait sûrement pas laissé passer le quart de ce qu'elle a pu dire ou faire. Ma connerie me revient comme un boomerang en pleine gueule, mais je n'ai pas à en vouloir à Aydan ni même à être fâché, je sais pertinemment qu'il n'y est pour rien.

En revanche, à cet instant précis tout ce que je désire, c'est massacrer la pétasse qui a osé le toucher.
Putain de pute !
« J'ai pas peur de toi », elle devrait ! Putain, elle devrait vraiment ! Je ne suis pas méchante pour deux sous, mais il ne faut pas me chercher. J'ai l'envie folle de lui envoyer mon coude dans sa tronche jusqu'à lui exploser le nez et de voir son sang gicler partout. La frustration me tient captive dans ses griffes, elle s'amuse et me torture, mais elle n'est pas la seule à jouer avec moi, mon esprit ne cesse de me renvoyer ces images que j'aurai aimé ne jamais voir.

Je sanglote. Une fois. Deux fois. Trois fois. Mes pleurs éclatent, je n'arrive plus à les contenir. Ça fait si mal de voir la personne qu'on aime dans les bras d'une autre, même si je le crois, même si j'ai confiance en lui, la vision de cet horreur me met à terre.

À chaque fois que je tente de me relever, d'aller mieux, ou de profiter un tant soit peu du moment présent, la vie me met des bâtons dans les roues afin que je reste au sol. Comme si ce putain de Karma ne pouvait pas faire chier quelqu'un d'autre.

Je tourne comme une lionne dans sa cage. Ma crise de larmes ne passe pas. J'avise alors le lavabo près de la porte, j'avance jusqu'à lui et me passe de l'eau fraîche sur le visage, mais quand je me redresse et fais face au miroir et l'image qu'il me renvoie me donne l'envie de vomir. Mon mine ravagée fait écho à l'état de détresse de mon âme. Je me méprise d'être aussi vulnérable.

Les paumes en appuient sur le lavabo, la tête baissée et les paupières fermées, je sens mon courroux affluer par vague dans mes veines et de nouveau l'image de ces lèvres dégueulasses sur mon homme me revient. Un râle m'échappe, ma respiration se saccade, j'aimerais me laisser aller à ma fureur, éclater une bonne fois pour toutes pour me sentir vide ensuite. Mais, en même temps, je ne souhaite pas être celle qui gâchera l'anniversaire d'Ely. Pourtant mon envie et les émotions négatives me persécutent de plus en plus fort et je n'arrive pas à me calmer.

Je me redresse, tente plusieurs exercices de respiration, aucun ne fonctionne, j'ouvre les yeux et m'observe, la violence qui bouillonne en moi me consume entièrement. Un nouveau râle m'échappe. Cette fois, je je lance mon poing d'un mouvement rageur dans ce miroir qui ne cesse de me rappeler comme je suis faible quand il s'agit de lui. La plaque de verre réfléchissante se brise en plusieurs morceaux sous l'impact, une goutte rouge atterrit sur le lavabo et je peste non pas pour ma blessure, qui ne m'est pas du tout douloureuse, mais pour cet emportement qui me coûtera sept ans de malheurs selon les superstitions avec lesquelles j'ai grandi.

Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant