4 - Je meurs en silence

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Voilà quatre jours que Zorah demeure dans le coma, ma résistance est plus que mise à mal, surtout aujourd'hui puisque dans quelques minutes, une cérémonie va être donnée pour notre mini-ZoAy. Oriane et Zayshann m'ont beaucoup aidé auprès des pompes funèbres. Ma belle-mère m'a orienté sur ce que sa fille aurait voulu, ou non, et j'ai pu effectuer les choix qui me paraissaient justes.

Aujourd'hui, je mets en terre une partie de moi. Mon ange s'envole dans ce dernier adieu et mon âme sombre dans les ténèbres les plus profondes. Je suis triste et en colère ! Triste de cette injustice, triste que ma femme ne puisse pas dire au revoir à notre enfant, triste de voir cette petite fille de neuf ans en larmes dans sa robe de deuil, et je suis en colère de devoir affronter tout cela. En colère contre la vie et contre ma génitrice, en colère contre la conductrice de l'automobile, même si elle n'a rien pu faire. Tous ces sentiments se mélangent en moi, ils me persécutent et me remuent, mais rien ne sort. Ni mes larmes ni ma rage. Je n'ai pas pleuré depuis le premier soir pourtant, je sens mon être à bout de tout, seulement Malia a besoin que je sois fort, alors j'y suis. La petite me rend visite tous les jours avec son père, ils restent avec nous dans l'attente du réveil de Zorah. Les quelques heures où l'on se voit, Malia est souvent pendue à mon cou et sa présence comme son affection m'aident à tenir debout.

Il est 15 h 15, la cérémonie commence dans un quart d'heure, le temps orageux est à l'image de mon esprit. Nous sommes en petit comité, la famille de Zorah a fait la route pour demeurer à nos côtés. Alexandre est là avec Malia, Jay, Ely et leurs parents sont également présents, ainsi que Sean. Je ne sais même pas quoi penser de ça. J'ignore s'il est ici pour ensuite tout rapporter à sa mère, ou s'il est réellement touché par ce qui arrive. Qu'importe, pour l'heure, je n'ai pas la moindre seconde à lui accorder. Quelques amis comme Tony et Rome sont là et j'aperçois mon père biologique à l'écart de tout le monde, sa présence me fait chaud au cœur et je lui adresse un signe de tête qu'il me rend.

Des notes de piano surgissent, accompagnées de celles d'un violoncelle à l'instant où la pluie s'abat sur la ville. Mes yeux se brouillent à mesure que Nothing Else Matter joue. Le morceau perfore chaque centimètre de cet organe déjà plus qu'amoché qui me tient en vie. Je serre les poings avec force pour rester ancré dans cette réalité qui torture mon âme sans répit. Autour de moi, j'entends les gens pleurer et se moucher, quant à moi, je regarde l'endroit où repose à jamais mon amour. À la fin de la chanson, l'homme, qui officie la cérémonie, commence son discours. Une main se glisse dans la mienne, j'observe la petite fille qui une nouvelle fois m'aide à ne pas perdre pied. Son regard rempli de tristesse me broie les entrailles. Malia baisse la tête. J'en fais de même, mon cerveau décroche et je n'écoute pas un mot prononcé par l'homme en noir. Mes larmes, absentes depuis des jours, font leur apparition dans ce cimetière devant ce trou qui emporte ma fille à jamais loin de moi. Je meurs en silence de cette douleur qui assaille ma poitrine et ne réalise qu'à peine tout ce qui se passe.

À présent, c'est une douce voix de femme qui s'élève et qui me tire de ma torpeur. La mélodie de If I could be where you are d'Enya résonne dans le creux de ma poitrine, elle me foudroie sur place, lorsque je réalise que c'est le moment de glisser le petit cercueil dans ce trou aussi profond que l'abîme qui m'habite. Mes jambes ont du mal à me supporter, je vacille. Alexandre appelle Malia, la petite laisse sa place à Jay qui m'apporte son soutien tandis que Sean en fait de même. Ma douleur est telle que je n'oppose aucune résistance. Je n'en ai pas la force.

Les larmes roulent sur mes joues sans que je les retienne, une bourrasque surgit comme si elle voulait tout emporter sur son passage laissant uniquement le chagrin qui reste bloquer entre mes côtes. Oriane, dont les yeux clairs, semblables à ceux de sa fille, sont rougis par les pleurs, m'apporte la rose blanche que je dois déposer sur le cercueil. Je la saisis, puis ma belle-mère embrasse tendrement ma joue, avant de se tourner vers la tombe de Maze. Zayshann, qui accompagne sa mère, presse doucement mon épaule en guise de soutien. Je hoche machinalement la tête en réponse à son geste. À peine quelques secondes plus tard, Malia s'approche de moi avec deux fleurs, la sienne et celle qu'elle dépose au nom de sa mère. Quand je croise son regard, un geignement accompagné d'un spasme me secoue de la tête aux pieds. Je tends ma main vers elle, elle s'en empare aussitôt, puis nous nous avançons tous les deux afin de laisser nos roses reposer avec notre petit ange.

Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant