60 - Je ne la laisserai pas gagner

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Zorah

J'émerge lentement sous une pluie de doux baisers.

- Coucou, petite marmotte. Il faut se réveiller.

À mi-chemin entre rêve et réalité, j'entends la voix de ma fille et me redresse vivement dans un sursaut. Assise sur le canapé, mon cœur s'affole et l'incompréhension me gagne quand je réalise que Malia se tient devant moi et qu'elle ricane comme une bécasse.

- Il est quelle heure ? Pourquoi t'es là ? Qu'est-ce...

Les rires de ma fille redoublent.

- Aydan est venu me chercher à l'école. Il a expliqué à la maîtresse que tu avais eu un empêchement, j'ai voulu savoir ce que c'était, mais il m'a dit que tu m'en parlerais toi-même.

Je soupire soulagée, bien que son institutrice soit une inconsciente. Je serai en mauvais terme avec Aydan et il essaierait de kidnapper ma fille, ça serait pareil.

- Effectivement, j'ai fait un petit malaise et je me suis retrouvée aux urgences, mais rien de grave.

- Tu es sûre que ça va ? Tu ne vas pas y retourner comme avant ? s'informe-t-elle, inquiète.

- Non, soit tranquille Malia, je suis bien à la maison, et le docteur m'a simplement prescrit du sommeil.

- Alors, c'est pour ça que tu préfères dormir plutôt que venir chercher ton amour à l'école ? finit-elle par me taquiner.

- Tout à fait ! gloussé-je.

J'attrape son avant-bras et la ramène contre moi tout en nous allongeant pour lui faire un câlin. Elle rit, je me gave de ce son qui me fait tant de bien. Je dépose plusieurs baisers sur son front et la serre fort contre moi en la respirant comme toujours. Je lui demande où est Aydan, elle m'apprend qu'il nous prépare le gouter. Je me demande ce qu'il mijote encore ce petit cachotier. Lovée contre l'amour de ma vie, je lui pose des questions sur sa journée à l'école et sa semaine avec son père.

- J'ai passé une bonne journée, je pense avoir réussi mon interro. Et avec papa, c'était court, mais il a dit qu'il se rattraperait avec une surprise. D'ailleurs, je me creuse la tête pour savoir ce que c'est depuis trois jours et il n'a pas voulu me donner d'indices.

- Avec ton père, il faut s'attendre à tout, ricané-je. En tout cas, moi, je suis contente de t'avoir deux jours et demi en plus avec moi.

- Moi aussi, mamoune. On va voir Aydan cette semaine, ou c'est juste aujourd'hui ?

- Je ne sais pas du tout.

- Et ce week-end, on fait quoi ?

- Rien de folichon, mon chat. Je dois me reposer, mais on se programme autre chose pour mercredi, ou le week-end prochain.

- Avec Aydan ?

- Chérie, il a une vie, tu sais.

- Oui, mais on peut quand même lui demander ? Allez, s'il te plaît, maman.

- Me demander quoi ? s'informe le concerné en arrivant avec un plateau garni de gourmandises.

Mes papilles s'éveillent aussitôt, lorsque je distingue les cougnous.

- T'as vu, maman, ils te connaissent bien avec Sean.

- Quoi Sean ? marmonne Aydan.

Je me pince les lèvres pour tenter de contenir le sourire qui menace d'apparaitre sur mon visage.

- Lui aussi, il apporte des coquilles quand il vient le matin.

- Évidemment, il s'est mis la petite dans la poche, grommèle-t-il dans sa barbe.

Je glousse à sa réaction, son regard courroucé me foudroie sur place, telle une enfant que l'on réprimande, je cesse immédiatement de me moquer, mais mon sourire ne s'efface pas.

- Vous n'avez pas répondu à ma question, fait-il remarquer.

- Je voulais savoir si tu voulais bien faire quelque chose avec nous le week-end prochain, mais maman dit que t'as une vie.

- J'ai toujours du temps pour vous, reprend Aydan, donc c'est d'accord pour moi.

- Trop bien ! s'exclame ma fille en s'élançant dans ses bras. On fera quoi alors ?

- Il faut voir avec ta mère.

Malia se tourne vers moi. Je hausse les épaules.

- On y réfléchit dans la semaine ?

Elle acquiesce. Aydan s'installe sur le canapé et s'empare de deux briochettes qu'il nous tend à Malia et moi. Nous le remercions et croquons à cœur joie dedans. En principe, les cougnous ne se consomment qu'en fin d'année, mais à Creil, j'ai réussi à obtenir un partenariat avec une boulangerie qui en prépare presque tous les jours pour le café et sa clientèle. Ainsi je peux déguster ma viennoiserie favorite à foison et je trouve un peu de mon nord natal ici.

Je me penche vers la table et attrape une des tasses fumantes du plateau, encore un chocolat, mais sans guimauves cette fois. Je trompe sans attendre un bout de ma coquille dedans et me régale de ce bonheur si simple qui me provoque un gémissement de satisfaction, tant c'est délicieux.

- Merci pour ce super gouter, Aydan, et merci d'avoir été chercher Malia.

- Avec plaisir.

Alors que Malia mange sans se préoccuper de nous, les yeux rivés sur le dessin animé qu'elle vient de mettre, mon regard se promène sur l'homme incroyable qui me fait face. Aydan m'offre ce sourire auquel je ne résiste pas, celui qui m'a fait succomber mille et une fois et si mon cœur était à prendre, il le raviserait une fois encore. À cet instant précis, je réalise que je n'existe que pour l'aimer, aucun autre ne pourra le remplacer. Alors je prie pour qu'il pardonne ce qui me tue de l'intérieur, je prie pour que son amour soit aussi fort qu'il le dit. Et plus encore, je prie pour qu'il nous laisse une seconde chance quand il découvrira qu'en réalité je suis responsable de la mort de Maze.

Si quand j'aurai le courage de tout lui dévoiler, il trouve en lui la force de me pardonner, alors je suis certaine qu'à l'avenir plus rien ne pourra nous séparer. Ça voudra dire qu'Aydan est bel et bien l'homme qu'il me fallait. Ma moitié, celui qui saura tout encaisser de moi, celui qui saura m'épauler quand je chuterai, celui qui m'aidera à me relever quand les temps seront durs. Et désormais, j'ai la certitude que j'en ferai de même parce que j'apprends tous les jours de mon erreur. Je regrette de l'avoir rejeté, de l'avoir abandonné à chaque fois qu'il revient en force dans ma vie, à chaque fois qu'il me prouve qu'il est solide, qu'il est mon roc.

Aujourd'hui, j'ai la conviction que je pourrai toujours compter sur lui. C'est peut-être pour cela que l'annonce de mon avocate, maintenant qu'elle est passée, me parait moins insupportable. Je ne suis pas seule, je n'ai pas besoin d'être forte tout le temps, il m'a prouvé que je pouvais me reposer sur lui, que je pouvais souffler. Je peux m'accrocher à lui et je veux qu'il puisse en faire autant. Je souhaite être la lumière qui brille dans ses ténèbres autant qu'il est le phare qui m'oriente dans les miennes.

Sa génitrice gagne peut-être du temps avec cette demande du juge, mais je reste persuadée qu'elle ne l'emportera pas. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, je ne la laisserai pas gagner. Je veux retrouver ma famille, même si la perte de ma fille et notre bonheur volé me feront toujours souffrir, et je me battrai pour le reconquérir, même s'il y a peu de temps, je prétendais le contraire.

Tout, je ferai tout pour lui.

Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant