Nous Étions Destinés | Tome 1 et 2 |

30 - Je me sens à ma place

Zorah

La semaine dernière, je me suis rendue au café tous les matins après avoir déposé Malia à l'école. Marvin m'a appris en express les ficelles de son métier, ça n'a pas été chose aisée les machines à café et moi, c'est tout un art, mais ce dernier m'a assuré que je m'en sortais bien, et qu'il partait en vacances en étant serein. Quant à moi, je stresse pas mal, j'ai encore besoin des fiches qu'il m'a faites, mais heureusement Sophie est là en cas de besoin, même si j'espère ne pas l'appeler à la rescousse trop souvent. Pendant les sept prochains jours, le Marah's Coffeebooks sera fermé les après-midis, dans un sens c'est tant mieux, j'aurais moins de chances de faire des erreurs.

Lors de mon apprentissage, je me suis rendu compte que les jours où j'aurais Malia seront un peu plus compliqués à gérer parce que je dormirai beaucoup moins. Alexandre m'a proposé de la mettre à la cantine et en périscolaire pour que je puisse avoir mon quota d'heures de sommeil, la petite n'était pas contre l'idée, mais il en est hors de question. Les besoins de ma fille passeront toujours avant les miens et je doute qu'elle ait besoin d'une mère absente. Je vais peut-être mal depuis l'accident et c'est vrai que je peine à m'en remettre, toutefois je mets un point d'honneur à ne pas délaisser Malia. Si je me bats chaque jour pour redevenir la bonne vivante que j'étais, c'est pour elle, alors je ne vais pas laisser des inconnus s'occuper d'elle à tout bout de champ. Il n'y a que le mercredi après-midi qu'elle va au centre de loisirs, et nous y gagnons toutes les deux. Malia retrouve ses copines, et moi j'en profite pour faire un petit somme. Sur papier, la machine semble bien huilée, on devrait s'en sortir comme ça, mais j'espère qu'avec la reprise du travail, je retrouverai un rythme de vie décent sans avoir à passer par la case somnifère et compagnie.

Cette nuit, il a beaucoup gelé, je pensais que la grisaille serait de mise, mais vers 8 h, les premiers rayons de soleil inondent le Marah's Coffeebooks de leur douceur. La luminosité est à son maximum, tout comme l'odeur du café fraichement moulu. La chaleur grimpe dans l'établissement grâce aux vitrines, quant au bois, qui est un élément principal, il se réchauffe et donne un côté très accueillant, cocooning et reposant. En dehors de Malia, le Marah's est mon havre de paix et il l'a toujours été. Ici, je me sens à ma place.

Alors que les premiers clients sont déjà là, je lance une playlist de musiques acoustiques calme à un volume assez bas pour ne pas perturber les éventuels lecteurs. Les enceintes jouent Grace Kelly et Elliott Skinner - Feels like home. Accoudée au comptoir, je ferme les yeux et laisse leurs voix m'emporter tandis que le soleil essaie de réchauffer mon âme. Lorsque le refrain retentit, toutes mes pensées s'envolent vers Aydan. Je me sentais chez moi quand je le regardais, son odeur, comme celle de ma fille, était mon chez-moi, ses bras étaient mon chez-moi. Aydan était notre chez nous à Malia et moi et j'ai tout foutu en l'air. Il me manque tellement, j'ai de ses nouvelles par le biais de mes amis, elles me font autant de bien qu'elles m'achèvent. Pourtant je ne suis toujours pas prête à aller vers lui, c'est plus par crainte que par fierté mal placée. Je lui ai fait du mal, j'ai fauté, je le sais, j'ai peur qu'il me repousse, ce qui serait tout à fait normal selon moi, alors je reste dans mon coin sans oser l'affronter même si toute mon âme le réclame.

- Bonjour ! s'exclame une voix grave qui fait naître des picotements au niveau de ma nuque.

J'ouvre les yeux et découvre un homme assez grand, grand tout court étant donné ma taille. Nos regards se captent, le marron miellé de ses iris m'envoute aussitôt. Je remarque sa barbe brune bien taillée qui lui mange le bas du visage et sa coupe undercut désordonné qui lui vont à la perfection. Il est charmant, pour ne pas dire vraiment canon, tout à fait le genre d'homme qui me plaît, mais il n'est pas mon Aydan.

- Bonjour ! souris-je. Qu'est-ce que je vous sers ?

- Un macchiato au caramel, s'il vous plaît.

J'ai la tête d'une nana qui sait faire ça ? Je retiens mon rire de justesse et réponds sur un ton léger :