Le père, le fils et l'esprit diabolique (Partie 1)

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C'était elle, sa mère, Mathilde Hunter. La seule femme qui l'avait rejeté, ignoré et même détesté. La personne qui avait semé en lui cette haine contre la gent féminine. La responsable de tous ses malheurs, et la cause de sa déchéance morale et mentale.

Julian attendait ce moment depuis des années. Il savait depuis toujours qu'il finira par retrouver la trace de sa mère. Vivante, il s'était juré de se venger d'elle de la pire manière. Morte, il s'était promis de profaner sa tombe, et de donner ses restes aux chiens bâtards.

Chaque jour depuis ses neufs ans, Julian tentait d'imaginer le scénario que le destin avait écrit pour ses retrouvailles avec sa mère, mais comme la réalité dépassait toujours la fiction, il n'avait guère songé que le jour où il reverra sa mère, il aura ses yeux bien plongés dans ses regards, et les mains délicatement posés sur les deux côtés de son cou.

Depuis des années et des années, le corps et l'esprit de Julian n'étaient plus que des réservoirs de vengeance qui accumulaient les sentiments les plus haineux et les plus méprisables envers sa mère. La logique des choses imposait une explosion de toute cette rage entassée dès le premier contact avec la cause de toute cette épouvantable rancœur, mais à la grande surprise de Julian, au lieu d'étrangler sa mère, ses doigts se mirent à lui caresser le cou et le menton.

Le silence religieux enveloppant la rencontre de la mère et de son fils était si sacré que seuls les battements de leurs deux cœurs se faisaient entendre au milieu de leurs souffles saccadés, et que ni l'un ni l'autre n'osèrent troubler ce moment de recueillement émotionnel.

Mathilde ferma les yeux en sentant les doigts de Julian qui se mêlaient à ses larmes ardentes. La dernière fois où elle avait touché les deux mains de son fils, elles étaient petites et douces.

__ Julian, si seulement tu pouvais me pardonner.

Julian n'écoutait pas sa mère, il ne la voyait même pas. Ses yeux plissés et tremblants effaçaient une par une toutes les traces de vieillesse sur le visage de Mathilde. Au bout de quelques secondes qui défilèrent dans une lenteur exacerbante, ses regards retrouvèrent enfin l'image jeune de sa génitrice. À ce moment-là, il eut le choc de sa vie.

S'il n'y avait aucune ressemblance entre les deux femmes, Julian crut tout de même voir Anna dans les traits du visage de sa mère. En laissant ses yeux chercher le point commun qui donnait à cette sensation une redoutable puissance, il comprit que le seul point commun qui unissait sa femme et sa mère était la seule chose qui l'avait attiré vers Anna...la douceur.

Or Julian peinait à croire que sa mère pouvait être aussi douce et innocente qu'Anna. Elle ne l'avait jamais aimé, jamais soutenu, jamais embrassé. Elle n'avait jamais été présente pour célébrer ses anniversaires, ni pour fêter ses excellentes notes à l'école, ni même pour rester à son chevet lorsqu'il tombait malade.

Pourtant, être en contact avec la peau délicate de sa mère, se trouver face à ses regards tristes, et sentir son souffle doux et son parfum si subtil donnèrent à Julian une étrange impression qui fit étrangement atténuer les nuances les plus sadiques et perverses du portrait qu'il s'était fait de sa mère.

__ Pourquoi maintenant ? Pourquoi après toutes ces années ? Demanda-t-il à sa mère sans pouvoir expliquer le refus de ses mains de lâcher le visage de cette dernière.

__ Tu as besoin de moi, Julian. Je m'étais juré de sortir de l'ombre le jour où tu auras besoin de moi.

En sentant que ses larmes allaient briser les barrières de leurs prison, Julian les rappela à l'ordre en ravalant ses sentiments les plus doux pour afficher toute sa froideur.

Écœuré par la réponse de sa mère, il lui relâcha le visage avant de reculer d'un pas en affichant un sourire à la fois amer et narquois.

__ J'ai trente-neuf ans. À cet âge là, on n'a pas vraiment besoin de...

Pour te quitter dis-moi je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant