Nouvelle cible, nouvelle règle

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Affalé sur sa chaise, Julian, songeur et perdu dans ses pensées fumait sa cigarette en ignorant Adam. Ce dernier finit par se lasser.

— Mais bon sang, si c'est pour garder le silence tout au long du dîner pourquoi m'avoir invité au restaurant ? On serait resté chez toi, j'aurai au moins pu picoler pour passer le temps ! Se plaignit-il en repoussant son assiette loin de lui.

N'ayant pas de réponse de son ami, Adam se pencha vers lui.

— Qu'est-ce que tu croyais, bordel ? Qu'ils ont fait vœu de chasteté ? Qu'ils ont cessé de baiser jusqu'à leur nuit de noce ? Julian, elle n'est pas vierge ou frigide, et lui n'est pas puceau ou eunuque. Bien-sûr qu'ils couchent ensemble !

Face au mutisme de Julian, Adam soupira avant de se redresser.

— Putain ! Je n'aurai jamais dû faire le voyeur, et les prendre en photo alors qu'ils baisaient sur le toit de leur immeuble ! Si j'avais su que ces photos te mettraient dans cet état, jamais je n'aurai pris cette initiative ! Julian, mais qu'a fait de toi cette poupée de chiffon ?

Sans daigner répondre à son ami, Julian refoula les derniers soupirs de cigarettes qui apaisaient ses tourments, puis, avec un sourire aux lèvres, il écrasa le mégot dans le cendrier.

Le connaissant parfaitement bien, Adam devina que les lèvres malicieuses de Julian ne lui destinaient pas cet étirement charmeur. Il en conclut que l'habile séducteur jeta son dévolu sur une femme qui se trouvait derrière son dos.

Encouragé par son impatiente curiosité, il se tourna pour découvrir la nouvelle cible de l'esprit lubrique de Julian. Le choc de la stupeur faillit le renverser de sa chaise.

Même en pensant que Julian dépassait les bornes en faisant d'Anna une folle obsession, Adam restait convaincu que cet obscure attachement qu'il ressentait pour la jeune femme n'était pour lui qu'une période passagère. La serveuse n'était qu'un trophée supplémentaire à remporter. Une fois son nom bien inscrit sur son interminable palmarès, il l'effacera de sa mémoire comme si elle n'avait jamais existé.

Bien qu'il avait sous les yeux l'indéniable preuve de son erreur, Adam peina à croire que l'inquiétante fascination de Julian pour Anna virait à une maladive hantise.

Et pourtant...

La jeune femme qui tapa dans l'oeil de son ami était une conforme copie charnelle d'Anna. Toutes deux avaient la même couleur des cheveux et des yeux, et l'identique forme du visage et couleur de peau. La ressemblance était si frappante qu'Adam fut secoué par un glacial frisson.

Décidé de prendre les choses en main afin d'éviter la catastrophe qu'il voyait venir, il se retourna vers Julian en faisant mine de n'avoir rien remarqué.

— Dis-moi, Julian. Crois-tu vraiment que toutes les femmes, toutes,  tromperaient leurs compagnons pour de l'argent ?

Confiant et sûr de ses convictions, Julian s'apprêtait à défendre sa vision de l'amour et des femmes quand il reçut une aide bien fâcheuse et particulièrement désagréable.

" Ta mère est une salope, une putain de salope ! "

" Je lui ai tout donné, tout ! Et elle ? Qu'est-ce qu'elle a fait pour me remercier ? Tu sais ce qu'elle a fait ? "

Depuis toujours, Julian craignait d'être foudroyé par une crise d'hallucinations devant témoins. Il ne souciait guère de la révélation du secret de sa maladie mentale. Ce qu'il redoutait au dessus de tout, c'était de se montrer vulnérable et démuni face à tous.

Pour te quitter dis-moi je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant