Lettre à un petit cœur

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Petit cœur...

À présent que cette lettre est entre tes mains, tu sais que je ne suis plus de ce monde. Je suppose que la colère t'anime parce que tu as toujours eu la certitude qu'on avait une chance de changer le cours de l'histoire. Ne m'en veux pas si je n'ai pas osé donner à tes espérances la moindre occasion de défier la fatalité à laquelle je croyais.

Ce n'était ni de la lâcheté, ni de la faiblesse. Le puissant et redoutable Julian Hunter a été tout simplement détruit par l'enfant traumatisé qui cohabitait avec lui dans le même corps.

Ta rage va s'estomper avec le temps, elle disparaîtra quand le monde sera de nouveau un havre de paix pour toi. Tu en verras les signes le jour-même de mon départ, il te suffira de lever tes yeux vers le ciel pour revoir les rayons du soleil que ma vie apocalyptique avait enveloppé avec les nuages sombres de mes tourments, ça sera à ce moment-là que tu me comprendras et que tu me pardonneras.

Petit cœur,

T'écrire cette lettre est sans doute la dernière chose sensée que je vais faire ce soir. Les êtres qui choisissent de mourir adressent toujours leurs derniers mots et leurs dernières pensées aux êtres les plus chers.

Je ne suis pas un homme ordinaire, et tu n'es pas une quelconque femme, de ce fait, ce que tu liras dans cette lettre ne ressemblera en rien aux autres messages d'adieux.

Ma lettre n'est pas une lettre de justifications, de révélations ou d'excuses. Tu connais déjà les raisons qui m'ont poussé à faire le choix de partir, tu sais désormais tout sur moi et sur ma famille, et qui mieux que toi peut savoir que je ne m'excuse jamais ?

Cette lettre n'est même pas un testament, Anna. Hélas, Je n'ai rien de beau et rien de précieux à te laisser alors que tu es bien ma seule et unique héritière. Sans le vouloir, j'aurais pu t'encombrer en te laissant les fardeaux que j'ai portés toute ma vie, mais sache que je quitte ce monde libre et libéré grâce à toi.

Je ne vais donc pas te léguer mes sombres secrets. Je n'ai jamais voulu les partager avec toi d'ailleurs. Je me dois toutefois de te confesser que te préserver de leurs atrocités n'était pas la seule motivation qui m'a poussé à te mettre à l'écart. J'avais juste peur de lire dans tes regards cette pitié qui me privera à tout jamais de mon premier rôle de tout homme, celui de protéger et de prendre soin de la femme qu'il aime.

Ne vois en cela aucun symptôme d'une virilité orgueilleuse et moyenâgeuse. Telle l'âme d'un corps, la femme est cette fragile et précieuse source de vie de l'homme. Et comme toute âme quitte son enveloppe charnelle à la première erreur fatale, un manque de soin, un abus de négligence, un excès d'insouciance, et la femme part à tout jamais en laissant derrière elle son homme crever en regrettant sa vie gâchée.

Tu étais ma source de vie, Anna. Si je t'ai éloignée de certaines zones d'ombres de ma vie, c'est uniquement pour te préserver. C'était peut-être une erreur finalement, mais je continue de clamer que c'était la bonne chose à faire.

Je ne te lègue pas non plus mes tourments, tu les a assez subis, et tu en as assez souffert. J'ose toutefois croire que même en ressentant encore de la colère contre moi, tu seras heureuse d'apprendre que j'ai pu m'en débarrasser, et que je suis parti aussi léger qu'une plume au milieu des vents.

Je ne te lègue pas non plus mes regrets. Je pars pour la bonne cause, Anna. Je pars pour que tu puisses vivre en paix, et pour te laisser la chance de rencontrer l'homme que tu mérites. Ce choix n'est pas un sacrifice, mon petit cœur, ce choix est ton droit, et je ne ne peux regretter de faire mon devoir. Mourir pour toi est un honneur et non une erreur, pourquoi donc regretter mon acte ?

Pour te quitter dis-moi je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant