À minuit passé, la famille Carson se préparait à dormir. Au lit, Martin lisait les dernières pages de son livre de chevet, et Jimmy, avec un casque audio sur la tête, regardait un épisode de sa série préférée.Après s'être assurée que tout allait bien pour les deux, Anna alla prendre une douche. Espérant un appel ou une visite de Liam, elle écourta ce moment de détente absolue au maximum en se rendant compte qu'elle avait oublié le téléphone dans le salon.
Enroulée dans une longue serviette, la jeune femme quitta précipitamment la salle de bain pour chercher son portable. Elle se laissa tomber sur le clic-clac du salon en constatent amèrement que son petit ami continuait de l'ignorer.
Déçue, elle pensa à le rappeler pour la énième fois, mais elle changea aussitôt d'avis.
Anna estimait qu'elle n'avait rien fait de mal pour jouer ainsi à la femme désespérée. Elle se résignait à se rabaisser quand elle était dans le tort, ou pour éviter des conflits qu'elle jugeait inutiles, mais sa dignité lui interdisait de franchir certaines limites même pour les beaux yeux de Liam.
— C'est à toi d'appeler et de demander des excuses, Liam.
Sa décision prise, Anna soupira avant de jeter ses regards tristes autour d'elle.
Comme toujours à cette heure-ci, l'appartement était calme et enveloppé d'une obscurité adoucie par la lumière de la petite veilleuse du salon. Dans ces moments-là, la jeune femme replongeait souvent dans un passé récent pour retrouver l'époque où sa famille et elle vivaient encore dans leur grande et belle maison, où sa mère était encore vivante, où son père débordait de joie de vivre, et où son frère pouvait encore jouer au basketball.
Sa vie fut si plaisante avant l'horrible accident qui en avait fait un cauchemar. Sa mère était morte en remportant avec une partie de l'âme de chacun. Sans une intervention chirurgicale aussi complexe qu'onéreuse, son frère ne marchera plus jamais. Avec l'aide d'un lourd traitement médical, son père bataillait pour rester auprès de ses enfants alors que son seul désir était celui de rejoindre son épouse dans l'au-delà. Sa dépression lui avait coûté son restaurant dont s'était emparé son crapuleux associé, et avait ruiné puis mis sa famille face à de graves difficultés financières.
La descente aux enfers pour Anna avait débuté à cette période. Devenue cheffe de famille malgré elle, la jeune femme avait dû sacrifier ses études pour être près des siens, puis, afin de couvrir les frais médicaux de son père et de son frère, et de payer les factures qui s'accumulaient, elle avait été forcée de vendre leur magnifique maison, et de quitter leur agréable et paisible banlieue pour s'installer dans un petit appartement en Bronx. Et au lieu d'étudier pour obtenir son diplôme , elle travaillait à temps plein comme serveuse avec un salaire qui couvrait à peine les dépenses de la famille.
Tout cela était pourtant gérable et supportable. Parce qu'il y avait pire. En sentant ses larmes prêtes à envahir son visage, Anna se pressa de retourner vers le présent avant de revivre l'un des pires moments qu'elle avait vécu de toute sa vie.
Avec beaucoup de courage, elle se leva pour transformer le salon en chambre à coucher. Elle tira d'abord le long rideau qui séparait la pièce ouverte du reste de l'appartement pour s'offrir un peu d'intimité, puis chercha sa chemise de nuit préférée dans la commande qui lui servait d'armoire.
Anna se changea rapidement avant de tirer la banquette du clic-clac pour en faire un lit. Alors qu'elle plaçait les draps et les oreillers, un mauvais pressentiment attira ses yeux vers la grande fenêtre du salon.
Une nouvelle fois, un frisson secoua tout son être en ressentant des regards indiscrets qui lui dénudaient l'âme avant le corps.
Sachant qu'elle ne trouvera jamais le sommeil avec cette peur dans le sang, elle prit son courage à deux mains, et s'approcha de la fenêtre pour affronter cette source invisible de terreur. Tout comme dans l'appartement, la rue était bercée par une douce nuit discrètement étoilée. Tout était calme, et aucun bruit ne troublait la quiétude du quartier assoupi.
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Pour te quitter dis-moi je t'aime
RomanceÀ trente neuf an, redoutablement manipulateur et belliqueux, diaboliquement fourbe et intelligent et sacrément charismatique et viril, Julian succède à son impitoyable grand-père à la tête de la dynastie des Hunter et du géant pétrolier le Hunter Gr...