Pour te quitter dis-moi je t'aime

Bonjour, miss Carson

À quatorze heures, la pression du travail à Ernesto's Delizia était retombée. Le personnel de la pizzeria avait brillamment géré le rush du midi-treize heures, et seuls quelques clients déjà servis finissaient leurs pizzas.

Alors que ses collègues profitaient de cette pause pour déjeuner et se reposer, Anna choisit d'occuper son temps de pause en inspectant la décoration des tables.

La jeune femme était très joyeuse contrairement aux deux jours précédents. Réconciliée avec son homme, elle s'impatientait de le retrouver pour une nouvelle soirée magique. Liam lui manquait tellement que le désir de l'embrasser et de se blottir dans ses bras l'incitait à demander une heure de pause pour le retrouver sur son lieu de travail.

— Bonjour, miss Carson.

Intriguée par l'inhabituelle manière avec laquelle on venait de s'adresser à elle, Anna abandonna sa tâche pour se tourner vers l'homme qui demandait à lui parler.

À la pizzeria, tous les clients l'appelaient par son prénom inscrit sur le badge de son uniforme. Rares étaient ceux qui connaissaient son nom de famille, ou qui s'en servaient pour l'interpeller.

Face à Julian, la serveuse se perdit un moment dans le brouillard de l'incertitude. Elle dut se concentrer un moment pour s'assurer qu'il s'agissait bien du demi-frère de Mégane. Elle le reconnut mais sans en être certaine.

À leur première rencontre, Julian était apparu en jean et en veste en cuire. Même fringante, son apparence était restée modeste et décontractée, et elle l'avait grandement aidé à fondre dans la masse de la population du Bronx. Aujourd'hui, vêtu d'un costume chic et classique, il apparaissait comme un brillant homme d'affaires qui aurait perdu son chemin. Son élégance aristocratique suscitait la curiosité et l'intérêt de tous ceux qui se trouvaient à la pizzeria.

— Vous êtes en colère contre moi, miss Carson ? Lui demanda Julian pour l'arracher de ses pensées.

— Excusez-moi ?!

— Vous ne m'avez pas reconnu ?

— Vous êtes...bien...le frère de Mégane, n'est-ce pas ?

La sérénité d'Anna confirma à Julian que Liam n'avait rien dit à la jeune femme au sujet de sa menace. Même si cette éventualité ne l'avait pas inquiété tant que cela, il se sentit tout de même soulagé.

— Votre question me rassure, miss Carson. Si je suis pour vous le demi-frère de la petite Lewis et non l'agresseur de votre petit ami, cela signifie que vous ne m'en voulez plus pour l'autre soir, ou me trompe-je ?

— Absolument pas. C'était juste un malentendu, et il faut reconnaître que Liam était tendu cette nuit-là. De plus, bien qu'il vous ait provoqué, vous avez eu la gentillesse de présenter vos excuses.

— J'ai toutefois manqué de m'excuser auprès de vous, miss Carson. Je sais que je vous ai fait peur.

Anna était totalement subjuguée par l'amabilité de Julian. Visiblement, il n'avait rien à voir avec le dangereux psychopathe qui avait tenté d'étrangler Liam. Pourtant, malgré son irréprochable courtoisie, la jeune femme ne se sentait nullement à l'aise avec lui.

— Me pardonnez-vous, miss Carson ?

— Vous êtes revenu ici pour vous excuser auprès de moi ?!

— Pour être honnête avec vous, miss Carson, je suis ici pour vous proposer un meilleur emploi.

Prise au dépourvu par cette étrange proposition, Anna en perdit la voix. À la fois surprise, sceptique et méfiante, elle se contenta de fixer incrédulement le visage de Julian qui, satisfait de son charisme déstabilisant, lui sourit hypocritement.