Pour te quitter dis-moi je t'aime

Un monde de marionnettes (Partie 6)

Prise au dépourvu par la visite impromptue de Julian, et ne s'attendant pas à le revoir d'aussi tôt, Anna crut d'abord qu'il s'agissait d'une apparition surnaturelle ou d'une folle hallucination. Raide et livide durant quelques instants, elle finit par se reprendre.

__ Que faites-vous ici ? Qu'est-ce que vous me voulez encore? Demanda-t-elle à Julian avec une certaine hostilité dans sa voix.

__ Je suis venu te rapporter ceci. Tu en auras besoin demain.

Sans y être invité, Julian entra dans l'appartement avec les sacs qu'Anna lui avait rendu quelques semaines plus tôt. Médusée, la jeune femme le suivit avec des yeux bien ouverts, puis, comme si elle défendait son territoire, elle se mit courageusement sur son chemin.

__ Vous n'êtes pas le bienvenu chez moi.

__ C'est donc ici que tu habites. L'ignora Julian en baladant ses regards autour de lui.

L'appartement des Carson n'était nullement attrayant pour un habitué de luxe et de confort comme Julian. Curieusement, l'atmosphère familiale qui régnait à l'intérieur lui procura une grande sérénité. N'ayant jamais connu cela, il se laissa volontiers bercer par l'amour et la tendresse que dégageait chaque meuble usé, chaque vieux bout de tissu, et chaque objet sans valeur.

Un réconfortante quiétude s'empara de tout son être, et le vide de tous ses problèmes et ses tourments. C'était comme si après une éternité en enfer, le paradis lui fut enfin accordé.

Libéré de son passé douloureux et traumatisant, de son présent oppressant et mouvementé, et de son futur maussade et morose, l'homme, qui croyait tout avoir, et tout pouvoir s'offrir grâce à sa fortune, sa puissance et son influence, se rendit compte qu'il avait grandi et vécu sans avoir senti la chaleur d'un foyer et l'amour d'une famille.

Marin et Jimmy Carson n'étaient pas présents dans l'appartement, mais Julian les vit en compagnie d'Anna parler de leur journée autour d'un bon dîner, rire en regardant un film comique, et s'affronter dans des duels de jeux de société. Et il se vit parmi eux...Heureux et comblé.

__ Vous n'aviez pas à me rapporter personnellement toutes ces affaires. L'arracha Anna de ses pensées en ignorant qu'elle le priva ainsi d'une sensation qu'il n'avait jamais connu de toute sa vie.

__ Toi tu ne t'es pas gênée de passer les déposer chez moi, non ?

Croiser les regards puissamment hautains de Julian était toujours une rude épreuve pour Anna. La jeune femme avait toujours cette désagréable impression que les yeux de ce grand manipulateur éreintaient toute sa volonté pour la rendre plus vulnérable et plus fragile, et la situation s'empirait toujours quand il s'approchait d'elle.

À quelques centimètres seulement avant d'être percutée par cette intimidante masse de prétention et de machiavélisme, Anna réussit l'exploit d'empêcher son corps et ses regards de trahir le moindre sentiment de frayeur.

__ J'ai hâte de te retrouver demain, Anna. J'ai hâte de commencer notre jeu. Lui dit-il avec une voix avide et troublante.

__ Votre visite ne va ni me perturber ni me troubler. Si vous êtes venu pour cela, sachez que vous avez juste perdu votre inestimable temps.

__ Tu as tort, Anna. Premièrement, je suis prêt à rester ainsi avec toi pour le restant de mes jours. Et deuxièmement, je suis plus qu'heureux d'avoir dévoilé la guerrière féroce que tu cachais derrière ton beau et parfait costume d'innocence. J'ai juste adoré ce que j'ai vu dans mon bureau ce matin, tu as fait l'erreur de raviver encore plus mon désir de te voir soumise et amoureuse.

__ Monsieur Hunter...et si vous me disiez ce que vous êtes venu faire ici au juste ?

L'agressivité d'Anna était si délicieuse et si appétissante que Julian dut user de toutes ses forces mentales afin de maîtriser une violente pulsion qui le secoua brutalement. Jamais il n'avait eu un envie si sauvage de tirer une femme vers lui, et de l'embrasser tout en l'enfonçant dans son propre corps pour l'y enfermer à tout jamais.