3 : ophelia

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Lorsqu'elle ouvre les yeux la première fois, elle les referme instantanément

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Lorsqu'elle ouvre les yeux la première fois, elle les referme instantanément. Tout est trop violent. La lumière, d'abord, et puis la douleur et le froid. Elle se met à greloter, malgré le drap dont on l'a couverte.

Petit à petit, elle tente ensuite de s'habituer à son environnement. D'abord, elle distingue une odeur de plantes et d'huile. Au loin, elle entend le roulis des vagues, et un peu plus proches, des pieds qui marchent à l'étage au dessus.

Elle rouvre les paupières, et cette fois, les garde ouvertes. L'éclairage de la pièce est toujours aussi vif, mais ses yeux s'y habituent déjà. Ils se posent sur le plafond blanc, puis elle lève légèrement la tête et observe alors la pièce dans laquelle elle se trouve. C'est un endroit chaleureux, dans lequel les rayons du soleil rebondissent sur les murs immaculés et couvrent le tout d'une jolie lueur. Il y a une cheminée aussi, non loin du divan sur lequel elle est allongée.

Elle n'a aucune idée d'où elle se trouve. Mais au fur et à mesure que ses yeux vagabondent sur les meubles de la pièce et qu'elle s'y familiarise, des souvenirs ressurgissent.

Des souvenirs qui n'ont rien à voir avec le havre de paix et de silence dans lequel elle semble se trouver.

Ophelia se revoit embarquer dans le bateau au départ du port de Leucade, déguisée en homme. Elle n'avait pas le choix : après avoir traversé une bonne partie du pays seule, à pied, elle ne se sent plus en sécurité nulle part. Et en arrivant à Leucade, elle décide qu'elle ne prendra plus de risques : désormais, elle s'appellera Oreste.

Elle se joint alors à cet équipage de pêcheurs qui partent en mer. Mais ils se font prendre par la tempête, et les derniers souvenirs d'Ophelia lui donnent la nausée.

Elle se souvient qu'elle a lutté longtemps contre les courants, agrippée à un bout du navire qui n'a pas survécu à la colère des dieux. Elle se souvient de l'eau glacée qui pénètre ses poumons, qui l'empêche de respirer, de ces vagues qui menacent de la couler.

Comment s'est-elle retrouvée ici ?

Sans aucun doute, on l'a sauvée. Sinon, que ferait-elle dans cette maison douillette, recouverte d'un drap et sèche comme elle n'aurait jamais cru pouvoir l'être à nouveau ?

Et puis, Ophelia est prise d'un doute. Elle ne sait pas qui sont ses hôtes, même si elle serait prête à parier qu'il y a au moins une femme parmi eux - elle le déduit à la vue de la décoration de la pièce. Que veulent-ils d'elle ? Elle ne peut même plus prétendre être le jeune Oreste, car ils ont sans doute tous vu ses longs cheveux blonds.

Elle est soudain prise d'une envie de fuir.

Mais ses muscles la rattrapent. La douleur traverse tout son corps, et elle retombe sur sa couchette, sans forces.

Elle est prisonnière de cet endroit.

Elle ferme les yeux. L'angoisse monte.

Protège-moi, Artémis, supplie-t-elle en pensées, retournant vers la déesse qu'elle a prié toute son enfance. Pardonne-moi d'avoir cru que tu m'avais abandonnée. Je t'en prie, j'ai besoin de toi.

Elle ne sait si la déesse a entendu sa prière. Mais quand Ophelia ouvre de nouveau les yeux, il y a une autre personne dans la pièce.

Et c'est une femme. Dont les yeux s'arrondissent lorsqu'elle réalise qu'Ophelia la voit.

- Oh ! Tu es réveillée, s'exclame-t-elle d'une voix qui rappelle le bruissement du vent dans les arbres.

Un instant, la naufragée se demande s'il s'agit d'Artémis en personne. Elle veut dire un mot, mais lorsqu'elle ouvre la bouche, aucun son n'en sort. Et sans lui laisser le temps de dénouer ses cordes vocales, l'inconnue a déjà disparu.

Elle revient cependant, quelques minutes plus tard. Cette fois, elle est accompagnée.

La seconde femme se penche sur Ophelia.

Immédiatement, elle est subjuguée. Elle lui trouve une beauté mystérieuse, son regard est happé par les yeux sombres de la femme. Elle veut à nouveau parler, mais en est toujours incapable. Et finalement, c'est la femme qui romp le silence.

- Je suis ravie de savoir que tu as survécu. Bienvenue sur mon île. Je m'appelle Circé.

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