Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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Elle accourt vers Ophelia.
- Que se passe-t-il ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.
Mais sa compagne ne l'attend pas et se précipite à la suite de Pitys et de Pan. Alors, la magicienne les suit à la même allure.
Elle n'est pas certaine d'avoir saisi tout ce qui se joue. D'abord Ophelia qui se propose devant Pan d'aller chercher sa promise. Et puis Pitys qui fuit, et le dieu qui la poursuit.
Pas vraiment l'attitude qu'on attend de la part d'une promise.
La nymphe est presque au bord de la falaise. Circé entend Pan qui hurle :
- Arrête-toi ! Pitys, tu ferais mieux de m'obéir, si tu ne veux pas...
- La ferme ! Je ne viendrai jamais avec toi !
Les entrailles de Circé se tordent. Elle se rappelle vaguement que les nymphes ont déjà évoqué les raisons qui les ont menées à Aea. Mais elle n'était pas suffisamment attentive. Qu'avait dit Pitys, déjà ?
Elle rejoint Ophelia, qui a les yeux rivés sur la scène qui se joue. Son front s'est creusé, et elle donne l'impression de vouloir s'avancer, sans toutefois oser.
Circé pose une main sur son épaule.
- Tu as essayé de la prévenir, pas vrai ? devine-t-elle.
Sa compagne acquiesce sans se départir de son air préoccupé.
Le dieu continue d'avancer vers la nymphe, qui recule à chacun de ses pas.
- Elle est venue ici pour lui échapper, murmure Ophelia. Elle l'a dit, l'autre fois. Elle aurait mieux fait de se cacher. Maintenant, soit elle tombe, soit elle accepte de le suivre.
- Je vais essayer de les raisonner, décide la magicienne.
Elle s'approche par derrière Pan, lorsqu'elle remarque l'objet que Pitys tient dans sa main.
C'est une fiole translucide.
Une de celles que Circé accumule sur ses étagères.
Elle se raidit lorsque la nymphe ôte le bouchon. Que peut-elle faire ? Elle analyse rapidement les possibilités.
Si elle ou le dieu bouc se jettent vers Pitys, la nymphe va tomber de la falaise. Mais Circé ne sait pas quelle est la potion qui se trouve dans la fiole, il serait donc risqué d'attendre qu'elle l'ait avalée.
Dernière option : forcer Pan à reculer et calmer le conflit.
Circé a seulement le temps de saisir le bras du dieu. Il réagit vivement en secouant son bras.
Et pendant ce court laps de temps, Pitys penche la tête en arrière et avale la potion.
- Non ! hurlent en chœur les trois autres.
Mais c'est trop tard. La fiole est tombée à terre. La peau de la nymphe s'obscurcit, prenant une teinte qui se rapproche petit à petit d'un marron sombre. Ses cheveux poussent dans tous les sens, ils deviennent des branches. Et là où se trouvait Pitys, juste au bord de la falaise, se dresse désormais un pin majestueux.
- Par Zeus, glisse Ophelia.
Circé se tourne vers elle. Elle est blanche. Elle esquisse un pas vers son amie, mais Pan l'interrompt dans son mouvement.
- Circé ! vocifère-t-il. C'est de ta faute !
La magicienne le toise, avec tout le mépris dont elle est capable.
- Et toi ! C'est toi qui lui a donné cette potion !
Il la lâche d'un coup pour se précipiter vers Ophelia. La jeune femme se protège de ses bras lorsqu'il assène un coup en direction de son visage.
- Ça suffit ! tonne Circé.
L'air devient lourd autour d'elle. Le dieu s'en aperçoit, puisqu'il fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qui se passe.
- Tu m'as volé ma promise, ce n'est que justice qu'une personne qui t'est chère paye à son tour, persiffle-t-il tout de même.
La magicienne se met à rire, mais c'est un rire sinistre, qui semble réveiller les éléments autour d'eux. Le vent se met à souffler, les vagues se déchaînent, les nuages cachent la lune. Un grondement se fait entendre.
Pan se retourne, et se retrouve face à la lionne de Circé. Lorsqu'il jette un nouveau regard à la fille d'Hécate, il se raidit en voyant ses yeux devenus tout rouges.
- Tu ne peux pas la retransformer ? demande-t-il.
Sa voix est passée de menaçante à suppliante.
- Tu te souviens de Scylla ? gronde Circé.
Il hoche simplement la tête.
- Avais-je réussi à lui rendre sa forme humaine ?
- Non...
- Et lorsque ma mère, Zeus et les autres s'y étaient essayés, avaient-ils obtenu un meilleur résultat ?
Pan secoue la tête.
- Alors tu ferais mieux de comprendre que je ne peux plus rien pour elle.
Un silence pesant enveloppe Aea. Et finalement, Circé fait un pas vers le dieu bouc.
- Maintenant, pars.
Il ne cherche pas à discuter.
Lorsque Circé reprend ses esprits, il s'est évaporé.
Elle se précipite alors vers Ophelia. Sa compagne semble muette, après la scène à laquelle elle vient d'assister. Elle a les yeux rivés sur l'arbre qui a poussé par magie au bord de la falaise.
- C'est la vérité ? Tu ne peux plus rien faire pour elle ? s'enquiert-elle d'une petite voix.
- Malheureusement, oui, soupire Circé. Allez, viens, rentrons. Je crois qu'il est temps que je te parle de Scylla.
