Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Ophelia tremble, tandis que Circé la pousse vers sa demeure. Devant ses yeux, se repasse en boucle l'instant où Pitys s'est métamorphosée. Plusieurs fois, elle trébuche, mais sa compagne la maintient d'une poigne ferme.
Heureusement.
Sinon, Ophelia se serait effondrée sur la falaise.
Lorsqu'elles retrouvent l'ambiance feutrée de l'intérieur de la maison, Mérope se lève du siège où elle s'était assise. Ses traits sont déformés par l'inquiétude, ses mains sont rouges.
— Pan l'a emmenée ? demande-t-elle d'une voix qui vacille.
Circé secoue la tête. Ophelia ne réagit pas. Pour la énième fois, elle revoit la peau de la nymphe devenir écorce et ses pieds s'enraciner dans la terre sèche de la falaise.
— Alors quoi ? reprend Mérope. On a entendu des cris. Chloris est allée se coucher pour ne plus y penser, et les cheveux de Mélité se sont mis à dégouliner de miel, tellement elle était stressée !
D'une voix douce, qui contraste avec le ton qu'elle emploie d'habitude pour s'adresser aux nymphes, Circé relate les événements. Lorsqu'elle en vient à la transformation de Pitys, Ophelia se met à trembler de plus belle.
La magicienne passe la main sur son front. Ses doigts sont froids, en contraste avec la peau d'Ophelia. Mais ça n'est pas glaçant, au contraire : c'est plutôt apaisant.
Mérope paraît résignée en apprenant ce qui est arrivé. Son visage s'assombrit, puis elle marmonne :
— Je lui avais dit qu'elle aurait mieux fait d'accepter de se marier.
— Elle n'en avait pas envie, murmure Ophelia.
Elle peine à comprendre comment elle a trouvé la force de formuler sa pensée.
— On voit que tu n'as jamais été mariée. Tu crois qu'on a le pouvoir de décider, nous les femmes ? raille la nymphe.
La mortelle se fige. Mais avant qu'elle ne sache quoi répondre, elle entend la magicienne qui lui chuchote à l'oreille :
— Laisse couler. Tu es fiévreuse, tu ferais mieux de t'allonger. Où veux-tu dormir ?
Ophelia lui lance un regard étonné.
— Je ne peux pas... dormir avec toi ?
La fin de sa phrase est presque inaudible. Mérope a sans doute remarqué ce qui se joue entre elle et Circé, mais elle n'ose tout de même pas le prononcer à haute voix.
— Bien sûr que si. Mais te sens-tu capable de monter l'échelle ?
Elle hoche la tête.
La magicienne n'en attend pas plus. Elle entraîne sa compagne vers la cuisine, non sans avoir lancé un ironique :
— Bonne nuit, Mérope.
Elles sont enfin seules. C'est Ophelia qui monte la première les barreaux pour atteindre la chambre de Circé. La magicienne la surveille, la suit en la poussant pour l'aider à se hisser tout en haut.
Une fois la petite pièce refermée, Ophelia entreprend d'allumer la torche tandis que Circé se dévêt, dos à elle.
La mortelle se prend à contempler les courbes harmonieuses du corps de la magicienne. Elle dont on n'a jamais vanté la beauté se trouve étrangement envoûtée par tant de perfection. Une peau lisse, une silhouette allongée, sans muscles trop développées ou angles trop carrés.
Elle est si absorbée qu'elle ne remarque même pas les larmes qui ont commencé à tomber.