The Beast

32 : circé

Anxieuse, Circé guette la progression du navire inconnu. Alors que le soleil se met lentement à décliner à l'horizon, les voiles blanches se rapprochent. Plus de doute, ils ont vu l'île et les signaux d'Ophelia.

- Si rien n'arrive de fâcheux, déclare la magicienne d'une voix sévère, nous aurons tout le temps de discuter de tous les événement de ces derniers jours. Mais jusqu'à ce que ce problème soit réglé, je veux que tu fasses ce que je te dis.

Elle se tourne vers Ophelia. Son invitée est restée derrière elle tout l'après-midi, sans broncher. Circé n'arrive toujours pas à décrypter son expression, mais il lui semble y déceler une pointe de culpabilité, sous ses traits durs.

- Ça dépend de ce que tu me demandes.

- Je veux que tu restes cachée quand ils seront là. Je vais te conduire à ma chambre, c'est la pièce avec l'entrée la plus discrète de la maison. Et là, tu dois me jurer de ne pas bouger jusqu'à ce que je vienne te chercher.

Je ne veux pas qu'ils te fassent du mal, complète-t-elle pour elle-même. Je ne veux pas non plus que tu me voies quand je serai face à eux. Je n'ai pas besoin que ton regard sur moi se dégrade davantage.

- Je ne te laisserai pas toute seule face à eux, proteste Ophelia. Tu en as peur. Ceux qui sont venus avant t'ont fait subir des choses terr-

- Je suis la fille d'Hécate. J'ai mes potions. Je ne crains plus rien, plus maintenant.

- Mais-

- Ce n'est pas une option, Ophelia ! C'est mon problème, d'accord ?

La jeune femme paraît sur le point de répliquer, mais elle lui lance un regard qui la dissuade de tenter.

Après un rapide coup d'oeil par la fenêtre, Circé se retourne de nouveau vers sa protégée.

- Ils vont bientôt accoster. Suis-moi.

Résignée, Ophelia la suit jusqu'à la cuisine. Là, dans un coin peu éclairé, entourée par des sacs de grains et de farine, se trouve une échelle en bois. Circé grimpe avec aisance, entre dans sa chambre, et attend de voir apparaître la tête d'Ophelia par le trou de la trappe. Elle lui tend la main pour l'aider à se hisser dans la pièce, mais avec un regard acéré, son invitée décline son aide.

- Bienvenue dans le seul endroit qui est vraiment chez moi.

Ophelia détaille les lieux en tournant sur elle-même. La chambre est plongée dans l'obscurité.

Circé remet les pieds sur l'échelle et désigne en descendant un battant de la taille du trou d'accès.

- Tu peux fermer ça dès que je suis en bas. Si jamais ils s'aventurent par là, ils croiront que ce n'est qu'un grenier à provisions. Mais de toute façon, je ne les laisserai jamais passer le seuil de la cuisine.

Ophelia se contente d'acquiescer.

- Et, Ophelia ?

- Oui ?

- Promets moi de ne pas essayer de me venir en aide. Je suis assez forte pour les affronter. Et toi tu as vécu suffisamment de malheurs dans ta vie. Il est hors de question que je te laisse te mettre à nouveau en danger.

- Très bien.

Circé descend de deux barreaux et entend Ophelia qui attrape la planche de bois qui ferme la pièce. Mais avant de le poser sur l'ouverture, elle lance :

- Circé ?

- Hum ?

- Je- non, rien, laisse tomber. Bon courage.

- Merci.

Elle ferme la trappe. La magicienne quitte la cuisine. Et après avoir pris une grande inspiration, elle se dirige vers la falaise.