95 : circé

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- Je suis ravie de te voir, mais je ne t'attendais pas aujourd'hui

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- Je suis ravie de te voir, mais je ne t'attendais pas aujourd'hui...

- En fait, je viens voir Circé. Où est ce que je peux la trouver ?

Cette voix. Circé tressaillit. Depuis quand n'a-t-elle plus entendu cette voix ?

- Hmm, je ne l'ai pas vue de la journée. Elle est sûrement dans sa chambre. Je vais t'y accompagner.

- Ça ira, Hécate. Dis-moi juste où je dois aller.

La magicienne indique le chemin à la visiteuse, qui se retourne alors pour faire face à Circé.

Oh bon sang. Ce souvenir a beau remonter à des centaines d'années auparavant, elle était loin d'être préparée à revoir le visage de Thracé.

Celle-ci passe devant elle sans lui jeter un regard, alors Circé lui emboîte le pas. Elle pense savoir ce qui va suivre. Elle devrait rester là, plutôt que de revivre ce moment où tout a basculé, pourtant, elle ne peut s'empêcher de gravir les marches du palais sur les talons de Thracé.

Elles arrivent devant son ancienne chambre. Polie, Thracé frappe trois coups secs à la porte.

Et la jeune Circé lui ouvre.

Elle entre - suivie par l'autre Circé, celle qui leur est invisible. En apercevant la lueur d'espoir dans les yeux de son double, son coeur se serre. Si j'avais su !

- Je m'attendais pas à ta visite, Thracé !

La jeune Circé est toute guillerette, croyant encore que cette visite est de bonne augure. Mais son amie la ramène sans tarder à la réalité.

- Qu'est ce que tu lui as fait ?

Son ton est dur, accusateur. Elle ne sourit pas, son visage est figé par la colère.

- Pardon ?

- À Scylla. Qu'est-ce que tu lui as fait ? Ne me mens pas, Circé, je sais que quelqu'un lui a jeté un sort.

La jeune Circé se décompose. Et voilà. C'est l'heure de la désillusion. L'autre Circé la regarde, peinée. Idiote, Thracé ne t'a jamais aimée. Appréciée, peut-être, mais jamais elle ne t'a vue comme elle voyait Scylla.

- Et tu es tout de suite venue m'accuser ? grimace la jeune Circé.

- Oh, je t'en prie, fais pas l'innocente. Qui d'autre ? Tu détestes ta sœur parce qu'elle a droit à tout ce dont ta mère t'a privée. Tu es jalouse de l'attention que les gens lui portent. Tu es jalouse qu'elle épouse bientôt Glaucos, alors que tu resteras probablement célibataire, parce que tu n'as pas eu le privilège d'avoir un dieu pour père !

La jeune Circé serre les poings. La colère enfle en elle. Elle laisse échapper un ricanement nerveux.

- Oh, tu n'as rien compris ! Je n'en ai rien à faire qu'elle se marie avec Glaucos. Au contraire, ça m'arrangerait !

- Alors explique-moi pourquoi elle est subitement devenue la pire des pestes ! Explique-moi pourquoi tu l'as envoûtée !

- Parce que... Parce que...

Les mots ne parviennent pas à sortir de sa bouche. La grande Circé sait très bien pourquoi. Parce qu'avouer les raisons qui l'ont poussée à ensorceler sa propre sœur serait avouer qu'elle est attirée par Thracé. Qu'elle n'était pas jalouse de Glaucos et de Scylla, mais de Thracé et de Scylla.

- Écoute, reprend-t-elle, ce n'était pas mon intention ! Ça ne devait pas faire cet effet là !

- Mais enfin, Circé, tu ne pouvais pas écouter les conseils de ta mère, pour une fois ? Tu ne pouvais pas arrêter d'en faire qu'à ta tête ? Hécate nous a prévenues mille fois ! Elle nous a averties que si nous utilisions notre savoir sur un coup de tête, en écoutant nos émotions, nous ne pouvions que provoquer des catastrophes ! Et maintenant...

Thracé enfouit son visage dans ses mains.

- J'ai essayé d'annuler le sort, avoue-t-elle dans un soupir. J'ai vraiment essayé. Mais à cause de toi, Circé, Scylla est en train de se changer petit à petit en un monstre sans cœur !

La rage de la jeune Circé éclate alors d'un seul coup.

- Tu sais quoi ? C'est ce qu'elle a toujours été !

Son interlocutrice relève la tête d'un seul coup.

- Pardon ? Mais tu t'entends !

Et tandis que son flot de reproches continue de se déverser sur la jeune Circé, l'autre magicienne, les larmes aux yeux, ne peut que murmurer :

- On s'en voudra toute notre vie, Thracé. On ne se pardonnera jamais d'avoir transformé Scylla.

Elle sent que son environnement devient vaporeux, flou. Son souvenir est sur le point de lui échapper. Mais il y a quelque chose qu'elle doit avouer :

- C'était de toi que j'étais jalouse. Je t'ai aimé, Thracé.

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