4 : ophelia

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Circé

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Circé. Circé. Circé.

Ce prénom tourne en boucle dans son esprit depuis que la femme s'est présentée.

Ophelia connaît Circé. Du moins, elle connaît ce qu'on lui en a raconté. La transformation de Scylla en monstre à six têtes, la colère des dieux, l'île sur laquelle les marins en détresse accostent et qu'ils ne quitteront jamais. Les potions de la magicienne, et les hommes changés en pourceaux.

Et puis, il y a aussi Circé la séductrice, qui a pris le héros Ulysse dans ses filets, l'empêchant de rentrer chez lui après une guerre interminable.

Ophelia est-elle en sécurité chez la magicienne ? Elle n'en est plus certaine. Doit-elle se réjouir, de ne pas être tombée sur un homme, ou doit-elle chercher par tous les moyens de quitter l'île avant que Circé ne l'envoûte ou ne la transforme elle aussi ?

Mais qui d'autre que Circé l'experte en métamorphose pour résoudre ton problème ? lui chuchote une petite voix intérieure.

Ces pensées contradictoires la désarment et Ophelia a un mouvement de recul. Sans surprise, son hôte s'en aperçoit.

- Je ne te veux pas de mal, reprend-elle de sa voix mélodieuse.

Est-ce comme cela qu'elle attire tout le monde dans ses pièges ? En chantant à la manière des sirènes ?

Ophelia doit avouer que la voix de la magicienne a quelque chose d'apaisant. Et en effet, elle semble sincère. Elle n'a pas l'air de lui vouloir du mal.

Rappelle-toi que souvent, ce sont les personnes les plus gentilles en apparence qui ont abusé de ta confiance.

Les muscles de la naufragée se tendent. Elle ne prononce toujours pas un mot. Circé semble comprendre son trouble et fait un pas en arrière.

- Je n'insiste pas, je comprends que tu sois encore sous le choc. Sache en tout cas que tu es en sécurité ici, et libre de rester aussi longtemps qu'il te faudra pour te remettre. Comme tu peux le constater, je jouis - à son franchement de sourcil, Ophelia devine qu'elle n'en est pas vraiment enchantée - déja de la compagnie de quelques nymphes, et je ne vois pas d'inconvénients à ce que tu te joignes à nous. Je te ferai préparer une chambre, tu y seras mieux qu'ici. Et surtout, n'hésite pas à nous faire part de tes demandes.

Lorsque Circé referme la bouche, Ophelia a le sentiment qu'elle ne prononce jamais d'aussi long discours. Incapable de faire quoi que ce soit d'autre pour l'instant, elle se contente de hocher la tête de manière fébrile.

Son hôte s'éloigne encore. Elle adresse quelques ordres muets à la nymphe qui se trouve derrière elle, qui acquiesce et disparaît dans la maison.

Ophelia contemple encore une fois le visage divin de la magicienne. Comment peut-on sembler aussi parfaite ? Elle baisse les yeux sur ses mains meurtries par son long voyage, remonte le regard sur les poils sombres de son bras. Circé, elle, a sûrement la peau douce. Ses cheveux ne sont pas grisés par la saleté. Ophelia la croyait en exil, mais elle commence à se dire que l'île d'Aea ne ressemble en rien à une punition.

Il faut croire qu'avoir des origines divines donne le droit à certains privilèges, songe-t-elle amèrement.

Elle repense à tout ce qu'elle a traversé. Son périple à travers la Grèce se serait-il déroulé de la même manière si elle avait été une déesse, ou même une magicienne ? Certainement pas. Si elle avait eu les pouvoirs qu'on prête à Circé, elle aurait transformé tous ses tortionnaires sur son passage. Elle serait retournée dans son village et n'aurait fait qu'une bouchée de ces hommes qui l'avaient humiliée.

Elle s'apprête à déserrer les lèvres pour poser une question à Circé, mais subitement, cette dernière fait volte-face et la laisse seule.

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