Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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Et les jours s'écoulent, et le temps passe. Ophelia a presque l'impression d'évoluer dans un nuage. Tout lui paraît flou, sans importance, tant que l'amour de Circé l'entoure.
Elle n'écrit presque plus. Elle n'en éprouve plus le besoin. À quoi bon coucher ses peines sur le parchemin lorsqu'on est heureux à ce point ?
Elle ne s'ennuie pas pour autant, car elle passe encore plus de temps avec sa magicienne préférée. Lorsqu'elles ne sont pas dans sa chambre - leur chambre, désormais, elles se promènent dans la forêt ou elles discutent dans la cuisine pendant que Circé élabore ses potions.
Parfois, elles se mettent à chanter, même si la voix d'Ophelia est loin d'être aussi harmonieuse que celle de sa compagne. Elle est amusée de voir que Circé connaît presque toutes les chansons qu'Ophelia lui suggère. Elle raconte s'être toujours intéressée aux chants entonnés par les marins lorsqu'ils commençaient à être un peu ivres.
À l'étape avant que tout bascule.
Ophelia peine à décrire la sensation qui l'habite désormais. Tout est si paisible. Trop paisible ?
Elle a l'impression que son enfance en Arcadie, son mariage et sa malédiction sont des histoires d'une autre vie. Même sa fuite lui paraît si lointaine !
Parfois, pourtant, ses insécurités d'avant ressurgissent.
Comme cette nuit là, lorsqu'elle est réveillée par le cri de colère de Circé.
Elle ouvre les yeux immédiatement, et après un temps d'adaptation à l'obscurité, elle distingue la silhouette de sa compagne qui remue dans le lit. Avant de se lever.
Dans l'angle où elle est, Circé ne remarque pas qu'Ophelia est réveillée. D'un pas silencieux, comme à son habitude, elle marche jusqu'à la trappe et descend l'échelle.
Ophelia se redresse légèrement. Que vient-il de se passer ? La magicienne a-t-elle fait un cauchemar ? Peut-être va-t-elle simplement boire avant de revenir se coucher.
Pourtant, les minutes passent, et Circé ne réapparaît pas.
Ophelia est trop alerte pour se recoucher. Elle ne sait pas pourquoi, mais soudain, elle a un mauvais pressentiment, comme s'il allait arriver quelque chose à Circé, sur cette île qu'elle connaît par coeur et où elle habite depuis des centaines d'années.
Le ventre d'Ophelia gronde. Pas de faim, mais d'inquiétude. Elle essaie de se rallonger, mais ses yeux restent grands ouverts, incapables de se poser sur un point fixe. Ses oreilles aussi, sont à l'affut du moindre bruit suspect.
Mais rien ne se passe.
Ophelia se reprend : tu hallucines, ma pauvre, arrête un peud'angoisserpourrien. Tu es la seulelouvesurcetteîle, si intrus il y a, ce n'est pas toi qui doitavoirpeur. Quant à l'absence de Circé, il s'agitseulementd'uneinsomnie. Elle est alléefaire un tour sur la falaise, dans la forêt. Pas de quois'inquiéter.
La nuit passe, et Circé ne revient pas. Ophelia ne parvient pas à se rendormir. Les rayons du soleil entrent dans la chambre.
C'est l'heure de se lever.
Fatiguée, elle se frotte les yeux en traversant la cuisine déserte pour se rendre dans la salle à manger.
Où elle découvre sa compagne, assise à table avec une inconnue.
