93 : ophelia

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Ophelia n'a jamais autant prié depuis qu'elle est arrivée à Aea

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Ophelia n'a jamais autant prié depuis qu'elle est arrivée à Aea. Voire même depuis le début de sa vie.

Lorsqu'elle était encore dans son village natal, il lui arrivait d'adresser des suppliques silencieuses à Artémis, la déesse de la chasse, de la nature et de la montagne. Elle a souvent caressé l'espoir que la chasseresse la prenne en pitié et l'aide à s'enfuir de cet endroit qu'elle ne supportait plus.

Parfois, dans ses rêves, elle s'imaginait même devenir l'une des compagnes d'Artémis, libre de courir avec elles dans les bois, sans aucune entrave pour la tirer en arrière.

Elle ne m'a peut-être pas fait chasseresse, mais elle m'a au moins permis de trouver Circé et de découvrir la liberté, songe Ophelia. La déesse a exaucé son voeu d'une autre manière, finalement.

À part, Artémis, elle ne se souvient pas d'avoir eu la foi en quelconque autre divinité. Les autres lui paraissaient plus lointaines, plus impitoyables, moins proche de ce à quoi elle voulait ressembler.

En y réfléchissant, cela doit venir de sa mère. Lorsqu'Ophelia était petite et que sa mère était toujours en vie, elle se rappelle vaguement apprendre le nom des différentes divinités et leurs caractéristiques. Sa mère était très critique, notamment envers Héra.

C'est la déesse du mariage, pourtant, quand je vois comment ton père se comporte, je n'ai pas l'impression qu'elle veille sur nous.

La phrase ressurgit dans l'esprit d'Ophelia sans qu'elle sache si elle l'a inventée ou vraiment entendu. Peu importe. Toujours est-il qu'elle a été éduquée à la méfiance envers ces dieux cruels et distants.

Il y avait bien des fêtes pour ces divinités dans son village, mais Ophelia y affichait une foi de façade, taisant les sentiments qu'elle éprouvait véritablement.

Mais depuis que Circé ne se réveille plus de son sommeil prolongé, les choses ont un peu changé.

Puisqu'Ophelia se retrouve seule avec elle-même et ses pensées - les nymphes faisant tout leur possible pour l'éviter, elle a fini par recommencer à s'adresser aux dieux.

Et notamment, à Hadès et Perséphone.

Comme beaucoup de gens, Ophelia conserve de la méfiance, voire même de la peur envers le couple infernal. Il faut dire que leur association avec la mort ne les rend guère populaires. Craints, en revanche, oui.

Mais dans certaines régions qu'elle a traversé avant d'arriver à Aea, on vouait un véritable culte au roi et à la reine des Enfers. Bien qu'ils veillent sur les morts, ils ne sont pas responsables des décès. Et ainsi, ils sont parfois associés avec un espoir de guérison. On les prie pour demander qu'un proche reste en vie.

C'est exactement ce qu'Ophelia a pris l'habitude de faire tous les soirs, devant le soleil couchant sur la mer.

Circé ne se réveille pas, mais son coeur bat. Et tant qu'elle respire, alors Ophelia ne peut pas complètement perdre espoir.

Reine Perséphone, toi qui est le symbole de la renaissance des plantes au printemps, s'il te plaît, rend-moi ma Circé.

Elle lève les yeux au ciel un court instant, avant de les redescendre, comme pour symboliquement se rapprocher des Enfers.

Elle avait peur que je meure, elle avait peur de se retrouver seule. Qui de nous deux aurait pu prédire que ce serait-elle qui me quitterait ? Mais elle n'est pas encore partie. Je t'en prie, Perséphone, j'accepterais tout si je pouvais retrouver la femme que j'aime !

Une larme coule sur la joue d'Ophelia, s'éclate sur un brin d'herbe et le dévale pour disparaître dans la terre.

Et rien d'autre ne se passe.

Ce n'est encore pas ce soir qu'Ophelia aura sa réponse.

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