44 : circé

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Elles passent un moment hors du temps sur le bateau

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Elles passent un moment hors du temps sur le bateau. Circé se fiche bien de ne pas encore avoir eu le fin mot de l'histoire d'Ophelia. Ses excuses étaient sincères, et désormais, elle se jure qu'elle ne cherchera plus à la faire parler. Le premier pas doit venir de son invitée.

Alors qu'elles descendent à l'intérieur du navire, fouillent les cabines des marins, les cuisines et la calé, elle remarque l'insouciance sur les traits d'Ophelia. Avec légèreté, elle la suit, enchantée de la voir heureuse et loin de ses terribles souvenirs.

Elle doit admettre qu'elle-même a senti ses angoisses remonter lorsque la jeune femme lui racontait ce qu'on lui avait fait subir. Elle lui a peut-être parlé de guérison, mais elle n'est pas arrivée au bout. Et si même une immortelle comme elle n'a pas eu assez de temps pour s'en remettre, comment Ophelia le pourrait-elle ?

Cette dernière est en train de mettre à jour une cargaison de tissus somptueux lorsque Circé s'approche et la questionne :

- Au fait, quel âge as-tu ?

Surprise par la question, Ophelia cesse de fouiller dans les caisses pour la regarder dans les yeux.

- J'ai vingt-quatre ans. Et toi ?

Passé la surprise, Circé se met à rire.

- Je préfère que tu ne le saches pas, ça te donnerait le tournis !

- Oh, tu sais, je me suis déjà fait la réflexion quand tu as parlé d'Ulysse. Étant donné qu'il est mort il y a plus de cinquante ans... Je suppose que je serais optimisme en te donnant une centaine d'années ?

Le rire de la magicienne redouble. Cette fois, Ophelia se joint à elle. Bon sang, l'avait-elle déjà entendu rire ? Il lui semble que c'est l'un des sons les plus agréables qu'elle ait entendus.

- Tu es gentille, répond-elle. Mais j'ai bien plus que ça. Enfin, pour être honnête, j'ai arrêté de compter. On ne nous apprend jamais à aller aussi loin.

Sa compagne ne cesse de rire, alors qu'elle s'imaginait le contraire.

Elle est vraiment déroutante. Alors que je pensais que ce serait elle qui serait déroutée.

- Mais alors, tu t'es arrêtée de grandir à quel âge ? reprend Ophelia.

En même temps, elle attrape une jolie étoffe ocre et se drape à l'intérieur. Puis, elle effectue un petit tour sur elle-même, comme si une personne invisible la faisait danser.

- Je n'en sais rien, ce n'est pas quelque chose de net, réfléchit Circé. Les jours passent, et à un moment, tu réalises que cela fait peut-être quatre cent ans que tu es figée avec la même apparence.

- Je vois. Ça doit être... étrange. Enfin, j'ai d'abord trouvé ça bien, je veux dire, nombreuses sont les personnes qui aimeraient pouvoir rester jeunes, mais... En y pensant plus longuement, je ne sais pas si j'aimerais. Être coincée l'éternité avec le même visage.

De plus en plus étonnée, Circé hoche la tête.

- Oui, ça n'a rien de très passionnant. À vrai dire, le temps me paraît parfois vraiment long.

Mais pas en ce moment. Je crois que depuis ton arrivée, je ne me suis pas ennuyée un instant.

Elle s'assoit sur la malle d'à côté. Ses yeux partent dans le lointain, tout en continuant de voir Ophelia qui essaie tous les tissus du coffre ouvert. Un léger sourire prend place sur les lèvres de la magicienne.

- Comment on va faire pour ramener tout ça sur l'île ? demande soudain Ophelia.

Circé revient à elle.

- Oh. Tu veux tout emporter ?

- Je ne sais pas. Mais ces étoffes sont très jolies, ce serait dommage de les laisser couler. Et je ne sais pas ce que contiennent les autres malles... Je croyais que tu voulais justement venir récupérer des choses ici.

La magicienne hausse les épaules.

- En vérité, ça m'est égal. Je ne manque de rien, si ce n'est de plantes pour mes potions, et ce n'est pas dans ce navire que je les trouverai. Je me disais surtout que ça te plairait.

- Je vois. C'est le cas. Merci beaucoup.

- Si les étoffes t'intéressent, on trouvera bien un moyen de mettre le coffre dans la barque. Et on fera autant d'allers-retours que nécessaire pour emporter tout ce que tu voudras garder.

Leurs regards se croisent, mais Circé détourne rapidement la tête. Elle sait que le rouge lui remonte aux joues.

Elle se lève pour inspecter le reste de la cargaison.

Ophelia l'appelle. Elle se retourne.

- Au fait, Circé ?

- Oui ?

- J'accepte tes excuses.

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