40 : circé

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Lorsqu'elle se réveille enfin alors que la journée est déjà bien entamée, Circé s'étire doucement et prend le temps de savourer la sensation d'être bien reposée

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Lorsqu'elle se réveille enfin alors que la journée est déjà bien entamée, Circé s'étire doucement et prend le temps de savourer la sensation d'être bien reposée. Il n'y a plus de menaces qui pèsent sur elle, les marins ne lui feront plus de mal et leurs âmes ont été emportées par Hécate.

- Tu es réveillée ? prononce alors une voix timide à ses côtés.

Elle ouvre les yeux. Ophelia est allongée à côté d'elle, fixant le plafond, l'air embarrassée. Elle avait presque oublié qu'elle lui avait proposé de dormir dans sa chambre.

- Oui.

- Alors tu pourrais lâcher ma main, s'il te plaît ?

Mortifiée, Circé se rend compte qu'elle tient en effet - ou plutôt qu'elle broie - les doigts de son invitée. Elle s'empresse de se dégager.

- Désolée. Je- j'ai perdu l'habitude de ne pas dormir seule.

Ophelia ne répond pas et se contente de se lever. Quelques instants plus tard, elle disparaît le long de l'échelle, laissant Circé seule avec ses joues rougissantes.

Qu'a-t-elle fait ? Elle a l'impression d'avoir vexé sa compagne... mais s'agit-il seulement de leurs mains mêlées ?

Elle ne sort pas du lit tout de suite. Après les événements de la soirée et de la nuit dernière, elle a encore besoin de retrouver son énergie.

Elle se concentre sur les rayons du soleil qui ont envahi la pièce. Contrairement à l'heure où elle s'est endormie, ils n'ont plus rien de doux, désormais. Ils sont vifs, brûlant, l'incitant à se lever.

Allez, Circé, tu as passé suffisamment de temps dans ton lit, les entend-elle presque dire.

- Par Hélios, taisez-vous, marmonne-t-elle.

Néanmoins, elle se décide à se relever en position assise. Elle passe les doigts dans ses cheveux, pour leur donner un semblant de tenue. Tentative ridicule, car sa crinière foncée n'en a toujours fait qu'à sa tête. Sans se voir, elle devine la présence d'un épi du côté droit, sur lequel elle a dormi.

Tant pis. Ce n'est pas comme si elle se préoccupait réellement de son apparence.

Elle pose enfin un pied hors du lit, puis le second. C'est seulement lorsqu'elle repousse les draps qu'elle se découvre encore tachée du sang de la nuit. Il y en a partout : dans le lit, sur la robe qu'elle n'a pas enlevé depuis, même sur ses mains.

Elle se change rapidement, puis rejoint finalement Ophelia dans la salle à manger.

La jeune femme est assise à la table, penchée sur un parchemin, une plume à la main. Elle se retourne en entendant Circé arriver.

- Deux nouvelles nymphes sont arrivées, l'informe-t-elle sur un ton neutre. Elles s'appellent Pitys et Melite.

La magicienne hausse les épaules.

- Ça m'est égal. Les dieux ont l'air de considérer qu'Aea est l'endroit parfait pour toutes les filles qui les ont déçus, mais je n'ai pas l'intention de devenir leur amie. Elles finissent toutes par repartir, de toute façon. Cela ne servirait à rien de retenir leurs prénoms.

La phrase amène une étrange expression sur le visage d'Ophelia.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Non, rien.

La jeune femme détourne le regard pour se concentrer sur ce qu'elle est en train d'écrire. Circé fronce les sourcils.

- Je vois bien qu'il n'y a pas "rien", rétorque-t-elle. J'ai l'impression que ça t'amuse de ne jamais me laisser voir le fond de ta pensée, mais-

- Je me demande juste pourquoi tu mets tant d'énergie à t'isoler des gens, réplique Ophelia.

Sa voix sans émotion commence à agacer Circé. Elle s'approche à grands pas et proteste :

- C'est toi qui me parle d'isolement ?

Ophelia souffle.

- Je savais que tu le prendrais mal, c'est pour ça que je ne voulais pas te le dire.

- C'est réussi, raille la magicienne. Et pardon, mais je te trouve bien moralisatrice pour quelqu'un qui passe son temps à cacher ses secrets ! Je veux bien te promettre de ne plus jamais te les faire avouer par toi-même, mais j'ai l'impression que ça ne te suffit pas ! Vas-tu m'expliquer un jour les détails ? À moins que tu préfères redevenir muette ?

Sa compagne lâche sa plume, se retourne vers elle. Elle plante ses yeux dans ceux de Circé, et soudain, une certaine tristesse les envahit.

- Je vais t'en parler, tu sais. De toute façon tu ne m'as pas vraiment laissé le choix. C'est juste qu'on a déjà passé une nuit compliquée, et que j'ai encore besoin d'un peu de temps pour m'y préparer.

La colère de Circé retombe d'un seul coup.

- Du temps, j'en ai, je peux t'en laisser autant que tu veux...

Mais toi, tu n'es pas immortelle, complète-t-elle pour elle-même en repensant aux mots de sa mère.

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