92 : ophelia

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La nouvelle routine qui se met en place à Aea depuis que Circé est inconsciente, Ophelia ne l'aime pas beaucoup

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La nouvelle routine qui se met en place à Aea depuis que Circé est inconsciente, Ophelia ne l'aime pas beaucoup.

Elle se lève tard le matin, désespérément seule dans les draps de sa bien-aimée. Malgré le soleil qui lui tape sur le visage - lorsqu'il y a du soleil - elle reste allongée de longues minutes, le temps de se réveiller. Ou plutôt, d'espérer que tout ceci n'était qu'un rêve. Et puis, comme elle voit bien qu'elle n'est pas en train de rêver, elle finit alors par sortir du lit.

En général, les nymphes ont déserté la salle à manger depuis longtemps, lorsqu'elle descend de son repaire. Depuis qu'elles ont retrouvé le cadavre déchiqueté de Chloris dans les bois, Mérope et Mélité ont pris l'habitude de l'éviter.

Ophelia mange à peine de quoi tenir. Un morceau de pain rassis - elle n'a pas encore pris le temps d'en refaire - avec de la confiture, une pomme qui traîne sur la table, un reste des boulettes de légumes de la veille, cuisinées par une des nymphes. Peu importe. Elle prend tout ce qui lui passe sous la main, et grignote sans quitter Circé des yeux.

On ne sait jamais, si elle se réveillait enfin ?

Mais plus d'une semaine s'est écoulée, et l'espoir d'Ophelia s'amenuise chaque jour.

Elle ne peut toutefois s'empêcher de s'approcher de sa compagne, pour lui caresser les joues, les cheveux, et la supplier de lui revenir vite.

Ensuite, quand il ne fait pas trop froid ou trop mauvais, elle attrape ses parchemins, sa plume, son encre, et elle quitte la maison pour aller se percher en haut des falaises. En surplombant la mer, en jetant parfois des regards à Pitys, elle passe de longues heures à cet endroit, noircissant le papier, vidant son esprit de toutes ses pensées.

Elle est loin, la dernière fois où elle a eu aussi désespérément besoin de cracher ses tourments sur le parchemin. En fait, la dernière fois, elle vivait encore dans le village où elle était née, entre un père qui la prenait de haut et un mari qui refusait qu'elle fasse autre chose que son devoir d'épouse.

Alors elle se débrouillait pour écrire en cachette. Mais son époux était un fouineur, et il était tombé plusieurs fois sur ses feuillets. Il finissait toujours par les détruire, les déchirer ou les jeter au feu. À chaque fois, Ophelia se prenait ensuite une salve de remontrances, qui finissait souvent par des coups. À chaque fois, elle lui jurait de ne plus jamais recommencer. Et à chaque fois, pourtant, elle revenait à l'écriture.

Désormais, la jeune femme n'a plus besoin de se cacher. Rien ne peut détruire ses parchemins, à part peut-être la pluie ou le vent.

Mais ça ne l'empêche pas d'écrire toujours plus. Cette fois, sa motivation n'est pas l'acte de rébellion. Cette fois, c'est seulement qu'elle n'a plus personne à qui parler, et que pour ne pas se laisser consumer par la culpabilité, elle doit tout évacuer.

Si elle ne le fait pas, elle risque de devenir folle, tout simplement.

Lorsque le soleil commence à descendre à l'horizon, que ses reflets disparaissent dans la mer et que les profondeurs redeviennent sombres, elle rassemble tout son matériel, et rentre à la maison.

Les nymphes sont en train de préparer le repas dans la cuisine, alors elle fait attention à ne pas les déranger, et elle repart aussitôt. Direction, l'autre côté de l'île.

Là, face au soleil couchant, elle se met à genoux sur la terre froide. Elle baisse la tête, ferme les yeux.

Et elle adresse ses prières aux souverains des Enfers.

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