109 : circé

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- Hécate, j'ai besoin que tu me fasses une faveur

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- Hécate, j'ai besoin que tu me fasses une faveur.

- C'est une très mauvaise façon d'entamer la conversation, tu sais ? Surtout après m'avoir ordonné de te laisser.

- J'avais besoin de temps seule, tu peux le comprendre, non ? Tu viens de m'apprendre que la femme que j'aime est morte !

Hécate ne répond rien et pivote lentement pour observer sa fille en face.

- Et donc, quelle est cette faveur ?

- Je veux que tu m'emmènes aux Enfers. Je veux parler avec Perséphone.

La déesse se fend d'un rire nerveux. Circé se crispe. Elle a soudain l'impression d'être de retour dans ses cauchemars ou dans son enfance, lorsque sa mèrela prenait de haut en lui riant au nez ou en lui répondant sèchement. Elle hait cet air supérieur qu'Hécate a tendance à se donner, pour occulter son manque de confiance en elle. Car la carapace d'Hécate n'est qu'une façade qui lui a permis de surmonter l'affront de devoir partager ses fonctions avec Artemis et Séléné.

- Ça te fait rire ?

- Enfin, Circé, tu te rends compte de tout les obstacles que tu devrais affronter ? Si tu espères revoir ta mortelle, il faut que j'accepte de t'y conduire, que Hadès et Perséphone te reçoivent dans leur palais - et laisse-moi te dire que tous les deux n'ont pas une minute à t'accorder - puis qu'ils accèdent à ta demande, et enfin que tu parviennes à trouver Ophelia dans la multitudes d'âmes errantes qui se trouvent dans le royaume souterrain ? Tout cela en étant en exil, et donc sommée de ne pas quitter cette île ?

- Oh, donc tu connais le prénom d'Ophelia, en fin de compte.

Sa mère ne répond pas, mais son sourire en coin laisse entendre à Circé qu'elle ne l'appelle "ta mortelle" que pour la provoquer. Circé lui lance un regard noir, et reprend :

- Permet-moi de répondre à tous les problèmes que tu as soulevé. D'abord, si tu n'acceptes pas de m'emmener aux Enfers, je te rassure, je connais la route et j'ai d'autres moyens de m'y rendre. Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais il y a quelques temps, tu es venue sur cette île après le passage d'un bateau... Qui est toujours échoué sur la plage, je suppose. Et si Eole ne m'est pas favorable, sache que tu m'as appris d'autres moyens de me servir des éléments pour parvenir à mes fins.

Hécate reste toujours silencieuse.

- Ensuite, pour ce qui est de trouver Ophelia, j'ai déjà ma petite idée de la partie des Enfers où elle pourrait avoir été emmenée. Mais si je parviens à convaincre Perséphone, peut-être pourra-t-elle même m'aider dans cette tâche.

- Oh, donc j'imagine que tu as en tête un moyen de convaincre la reine du royaume des morts ? ironise Hécate.

- À vrai dire, pas encore. Mais je trouverai. J'ai de nombreuses potions, dans cette maison, mais peut-être qu'une simple discussion entre femmes sera suffisante. Perséphone était à peine née quand j'ai été exclue de l'Olympe. Et puisque vous les dieux ne jurez que par les sacrifices, j'imagine que je devrais trouver quelque chose à lui donner.

- Que veux-tu lui donner ? Elle et son mari sont déjà riches. Ils ont tout ce que tu pourrais leur offrir.

- À vrai dire, je ne pensais pas à quelque chose de matériel, réplique Circé. Mais je voudrais m'attarder sur ton dernier point, car là encore, tu t'es trompée. Lorsque Zeus m'a exilée, il ne m'a jamais sommée de rester cloîtrée à Aea. Il m'a simplement exclue de l'Olympe. Or, l'Olympe n'est pas le monde souterrain, Hécate, tu le sais mieux que moi. Les règles qui s'appliquent en haut ne sont pas toujours les mêmes qu'en bas.

- Si tu fais ça, tu aggraveras ta situation, répond Hécate. Tu es déjà vue comme une traîtresse, une sorcière, une empoisonneuse, une demi-déesse sans coeur. Que veux-tu rajouter à ta liste d'exploits ? Clandestine ?

C'est au tour de Circé de ricaner.

- Oh, je m'en moque. En vérité, c'est toi qui a peur des représailles que tu pourrais subir, si tu m'aidais, n'est-ce pas ?

Sa mère détourne enfin le regard. Victoire. Circé sent que pour la première fois de sa vie, elle va finir par la faire plier.

- Tu as tout fait pour ne pas être associée à moi, Hécate. Même lâcher ta propre fille en pâture à Zeus. Mais la vérité, c'est que sans toi, ta fierté et ton égo, rien de tout cela ne serait arrivé. C'est parce que tu m'as enfermée à l'intérieur de ton palais que j'ai cherché à m'en évader par tous les moyens. C'est parce que tu m'as forcée à t'aider à préparer tes malédictions tandis que ma soeur faisait la fête toutes les nuits que je suis devenue jalouse, que j'ai voulu me venger. Et quand est venu le moment du jugement, tu as tout reporté sur moi, comme si ce n'était pas toi, qui m'avait enseigné ces sorts. Alors la moindre des choses que tu pourrais faire pour réparer toutes tes erreurs, serait d'accepter ce que je te demande. Est-ce que ça aussi, c'est trop demander ?

Le silence d'Hécate se fait lourd, il enveloppe la pièce comme une couverture de laine un peu rêche.

Et finalement, la déesse se retourne vers sa fille et murmure du bout des lèvres :

- Très bien. Je vais t'emmener, mais arrivée là-bas, je ne réponds plus de toi.

- Je savais qu'on finirait par tomber d'accord, ricane Circé.

Sa mère a perdu cette bataille. Mais elle ne peut pas s'empêcher de lancer une dernière pique, une pique qui montre qu'elle reste la tête haute.

- Tu sais, avant de traverser le Styx, Ophelia m'a dit de te dire "je t'aime" de sa part. Je n'ai jamais aussi peu compris qu'aujourd'hui comment elle a réussi à t'apprécier.

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