Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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La pleine lune suivante arrive sans qu'Ophelia ait pu s'y préparer.
Trop occupée à s'inquiéter pour Circé, à ruminer ses pensées quand elle ne les couche pas sur le parchemin ou à prier Hadès et Perséphone, elle se laisse surprendre par l'arrivée de cet événement qu'elle recommence à redouter.
La veille de la pleine lune, prise de panique, elle retourne toutes les potions sur les étagères de la cuisine, pour essayer de trouver la dernière que sa compagne lui a préparé. Malheureusement, Circé a sa façon de ranger qui n'est limpide que pour elle, et les recherches d'Ophelia ne donnent rien.
Au bord de la crise de panique, elle se résoud donc à frapper à la porte de Mélité.
- Qu'est ce qu'il y a ?
Le ton de la nymphe est toujours aussi délicat que d'habitude, pourtant Ophelia y sent une méfiance nouvelle.
- J'ai besoin que vous me rendiez un service, Mérope et toi.
Mélité soupire.
- En quoi ça consiste ?
- La nuit prochaine... C'est de nouveau la pleine lune.
La nymphe tressaille.
- Et ?
- J'aimerais beaucoup que vous vous barricadiez dans la maison. Fermez toutes les portes une fois que je serais sortie, et si possible, amenez Circé dans une des chambres vides au rez-de-chaussée. Maintenant qu'elle n'est plus là pour m'aider à supporter les pleines lunes, j'ai peur de...
- De nous tuer ?
Cette fois, la voix de Mélité est clairement accusatrice. Ophelia baisse les yeux, envahie par une vague de culpabilité.
- Oui. Je veux pas vous faire du mal, à toutes les trois. Il faut que je reste dehors, demain soir.
- On est d'accord sur ce point. Mais je ne vais pas pouvoir t'aider, Ophelia.
Les épaules de la mortelle s'affaissent.
- Mélité, s'il te pla-
- Ce n'est pas que je ne veux pas, rétorque aussitôt la nymphe.
Elle ouvre alors en grand la porte de sa chambre. La pièce ne comporte plus aucun effet personnel. Elle est vide comme celle qu'Ophelia avait à son arrivée. La seule chose qui se démarque, est la grande malle posée à côté du lit. Elle est encore ouverte, et à l'intérieur on devine les affaires de Mélité.
- Tu... Tu t'en vas ? articule Ophelia.
Mélité acquiesce.
- Ma mère vient me chercher aujourd'hui. Je ne serai plus là pendant la pleine lune.
Dans les yeux de la nymphe, Ophelia aperçoit soudain toutes les craintes qu'elle a dû accumuler au cours des derniers jours, des dernières semaines. Elle s'en va parce qu'elle craint pour sa sécurité, devine-t-elle.
- Je vois...
- Je suis désolée. J'espère que l'état de Circé va s'arranger. Elle était... elle est loin d'être facile à vivre, mais au moins, en venant vivre avec elle, j'ai eu l'impression d'avoir un peu plus de liberté.
- Moi aussi... Moi aussi.
- Tu peux toujours demander à Mérope de t'aider, tu sais ?
- Ouais... Elle me déteste, mais j'imagine qu'elle a plutôt intérêt à assurer sa sécurité, alors elle devrait pas me refuser ça...
- Elle ne te déteste pas, Ophelia.
Peu convaincue, la mortelle hausse les épaules.
- Je t'assure. C'est aussi grâce à toi que notre séjour ici est devenu plus agréable, ces derniers temps. C'est toi qui nous a toujours traité décemment et qui a encouragé Circé à laisser tomber sa carapace de sorcière aigrie en exil. Mérope ne te déteste pas. Elle a juste peur. Elle a... On a toutes vécu des choses difficiles, c'est tout.
Ophelia acquiesce, légèrement apaisée par les paroles de Mélité.
- Eh bien... Bon retour chez toi. Je te laisse préparer tes affaires.
- Merci. Bon courage. Sois forte.
Et l'expression que Mélité affiche avant de refermer la porte semble on ne peut plus sincère.
Ophelia va de ce pas interroger l'autre nymphe. Elle lui explique brièvement la situation, ce qu'elle doit faire, et Mérope malgré sa moue boudeuse, accepte.
Mélité s'en va. La soirée et la nuit s'écoulent à toute vitesse. Ophelia passe la journée suivante à essayer de s'organiser pour faire le moins de dégâts possibles. Le soleil descend à l'horizon, et elle quitte la maison.
Mérope actionne le verrou de l'autre côté de la porte.
La mortelle s'empresse de courir jusqu'au point le plus éloigné de la maison. L'endroit où elle a attaqué Circé et tué Chloris. L'angoisse compresse sa poitrine lorsqu'elle y repense.
Alors elle se tourne vers le soleil sur le point de passer sous la mer, et elle attend sa transformation.