Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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Retranchée dans sa cuisine, Circé se dit que les conseils d'Aphrodite ne sont pas toujours bons à prendre.
Une fête! Sérieusement ? Peut-être la déesse est-elle habituée à la vie faste de l'Olympe, mais sur Aea, un tel événement n'a pas vraiment lieu d'être, d'après la magicienne.
Pourtant, l'idée a semblé plaire à Ophelia, alors Circé va devoir l'accepter.
C'est justement lorsqu'elle revoit l'air réjoui sur le visage de sa compagne lorsqu'Aphrodite a lancé son idée, qu'Ophelia apparaît.
Elle écarte le rideau pour entrer dans la cuisine. Elle s'approche, jette un coup d'œil à la marmite, sans rien dire.
- J'essaie une nouvelle potion, explique Circé. Pour ta malédiction. Il faudra la prendre avant la tombée de la nuit, à la prochaine pleine lune.
- Merci.
Le ton de la mortelle est étrange, plein de retenue. Il rappelle à Circé la façon dont Ophelia s'adressait à elle lorsqu'elle venait juste de s'échouer sur l'île.
- Circé, est-ce que tu m'évites ?
La question tombe lourdement dans la pièce. La magicienne s'arrête dans son mouvement. Elle regarde sa compagne.
- Non, bien sûr que non !
Ophelia pince les lèvres.
- Tu viens de passer la matinée à m'éviter, appuie-t-elle. J'aurais bien besoin que tu m'aides à faire taire Idalia, parce qu'elle ne s'arrête jamais de parler ! C'est une déesse de quoi ?
- Il me faut du temps pour préparer ta potion, tu sais...
Circé élude volontairement la question à propos d'Aphrodite.
- Je me suis dit que puisque tu avais de la compagnie, je pouvais bien m'éclipser un petit peu. Désolée si tu as eu l'impression que je t'évitais.
- Et ce qui s'est passé cette nuit ?
- Pardon ?
- Je t'ai vue te lever, au milieu de la nuit. Après que tu aies crié dans ton sommeil. J'ai pensé que c'était un cauchemar, que tu allais prendre l'air, mais tu n'es pas revenue.
- Ah, ça...
Circé soupire.
- Je rêve souvent d'Hécate, en ce moment. Et en général, dans mes rêves, elle me fait des reproches. Elle... n'approuve pas trop notre relation. Alors j'imagine que je crie pour la chasser de mes pensées. Je suis désolée si je t'ai réveillée.
L'expression sur le visage d'Ophelia se métamorphose en surprise.
- Pourquoi n'approuverait-elle pas ?
Un petit rire s'échappe des lèvres de Circé.
- Elle est persuadée que ça va me faire du mal. Et... Plus le temps passe, plus je commence à comprendre ce qu'elle a voulu dire.
- Pourquoi ?
Encore une fois, son ton change. Cette fois, elle paraît effrayée. Pour la rassurer, Circé attrape ses mains et les serre fort dans les siennes.
- J'ai peur de me réveiller dans une semaine et de te trouver morte... Parce que pour moi, Ophelia, les années passent comme des semaines. Je sais, c'est ce qui arrive lorsqu'on noue des liens avec des mortels, mais... Je n'avais pas réalisé tout cela, jusque là. Tous les autres, tous ceux qui sont venus avant toi, ne sont pas restés longtemps. Ulysse a vécu un an à Aea, et pourtant, j'ai l'impression qu'en un clin d'œil, il était déjà reparti. Et il est celui qui est resté le plus longtemps.
- Je- je ne m'étais pas rendu compte de tout ça, murmure Ophelia, l'air désolée.
- C'est normal. Ce n'est pas toi qui va rester. Mais moi, je vais continuer, et dans mille ans, je serai encore là, à essayer de ne pas oublier tous mes souvenirs avec toi, à ressentir encore et encore la douleur... Je sais, on pourrait penser que dans mille ans, ce que nous avons vécu me paraîtra trop insignifiant pour y accorder de l'importance, mais moi, je sais que ça ne sera pas le cas.
Sa compagne semble émue.
- Qu'est-ce que je peux faire pour te rassurer ?
Circé lui adressa un sourire d'excuse.
- Pas grand-chose, malheureusement. Aphrodite a raison, on doit juste continuer de vivre comme on le fait, et profiter de tous les moments qu'on passe ensemble.
Après un temps de réflexion, elle ajoute :
- Finalement, il n'est peut-être pas si mauvais, son conseil. Quand est-ce qu'on l'organise, cette fête ?
Ophelia fronce les sourcils.
- Qu'est-ce qu'Aphrodite vient faire i- oh. Attends. Tu veux dire que-
Elle tourne la tête vers la salle à manger, et la retourne aussitôt vers Circé. La magicienne se mord la lèvre.
- Oups. Je crois que je viens de révéler sa couverture.
