68 : circé

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— Ce soir là, c'était Thracé qui accompagnait Scylla

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— Ce soir là, c'était Thracé qui accompagnait Scylla. Du bas des escaliers qui menaient au laboratoire de ma mère, je les ai vu entrer, bras dessus bras dessous, échangeant des clins d'oeil et des messes basses comme si elles se connaissaient depuis toujours. Cette complicité, ça m'a fait vriller. Je pensais avoir un lien spécial avec Thracé, je pensais que nos leçons nocturnes nous avaient rapprochées.

En réalité, Circé avait réalisé que si Thracé n'arrivait qu'au milieu de la nuit, c'était parce que comme Scylla, elle assistait aux fêtes organisées pour le gratin de l'Olympe.

— Je comprends, murmure Ophelia. Vous aviez développé un lien pendant vos leçons, mais ça n'était pas comparable à la relation qu'elle entretenait avec Scylla. Elle connaissait ta soeur dans un cadre de festivités, et toi, dans un cadre de travail.

L'analyse était concise, claire. Elle faisait un peu mal. mais Circé ne pouvait pas la réfuter : c'était également ce qu'elle avait pensé.

— J'ai passé les jours suivants dans une humeur excécrable. J'en voulais à la Terre entière. Aux dieux et à leurs maudites fêtes auxquelles je n'étais pas invitée. A ma mère qui me faisait travailler sans relâche et qui avait accepté d'enseigner à Thracé. Je lui en voulais aussi à elle, qui ne m'avait pas dit une seule fois qu'elle connaissait Scylla. Et j'en voulais à ma soeur d'avoir toutes ces soirées pour s'éclater pendant que je devais faire profil bas et passer ma vie au dessus d'un chaudron.

— N'importe qui aurait eu la même réaction ! s'indigne soudain sa compagne en se redressant dans le lit.

Circé l'imite. Elles s'appuient contre le mur de la chambre et leurs yeux se quittent quelques instants pour vagabonder jusqu'à la lumière de la torche et au cadre de la fenêtre. La lune brille toujours, et Circé ne peut s'empêcher d'avoir l'impression qu'Artémis est en train de la narguer.

Tout ceci ne serait pas arrivé si tu n'étais pas née, peste-t-elle dans ses pensées. Si Hécate n'avait pas eu de la concurrence, jamais elle n'aurait essayé de calquer sur Scylla et moi ses vains espoirs de reconnaissance.

Circé aurait pu être libre. Elle n'aurait jamais connu Thracé, certes, mais elle ne s'en serait pas plus mal portée.

Sauf qu'alors... elle n'aurait sans doute jamais rencontré Ophelia. Et à cet instant, elle n'échangerait la présence de la jeune femme pour rien au monde. Surtout pas pour passer l'éternité entourée des dieux qui l'ont punie.

— C'est dans cette même période que j'ai appris que Scylla allait se fiancer.

— Avec Thracé ? réagit vivement Ophelia.

— Oh, non. Avec un dieu mineur du nom de Glaucos. Evidemment, je ne l'ai appris ni par ma mère, ni par ma soeur. C'est Glaucos en personne qui est venu me trouver, pour me demander un service.

— Qu'est-ce qu'il voulait ?

Circé laisse échapper un rire nerveux.

— Il avait bien remarqué que Scylla ne lui prêtait pas une grande attention. Il voulait que je m'arrange pour la faire tomber amoureuse de lui.

Ophelia a l'air stupéfaite. Et la magicienne la comprend. Elle-même se souvient d'avoir été estomaquée après sa discussion avec Glaucos.

— Quelle ironie, n'est-ce pas ? ricane-t-elle. Alors c'est là que j'ai commencé à échaffauder un plan. J'avais la possibilité de faire d'une pierre deux coups : éviter que ma soeur me "vole" Thracé, et l'envoyer directement dans les bras de son futur époux.

— Je vois...

Circé devine que sa compagne commence à assembler les pièces du puzzle. Ce qu'elle s'apprête à dire, elle n'en est pas fière, mais elle ne peut plus reculer.

— Et voilà, c'est comme ça que j'en suis venue à élaborer un enchantement pour modifier les sentiments de Scylla. Le problème, c'est que j'ai toujours été plus douée en potions qu'en enchantements. Quand je conjugue les deux, ça passe encore. Mais à cette époque, je n'avais pas l'expérience d'aujourd'hui, et je ne voyais même pas comment faire boire à Scylla une potion à son insu. Le deuxième souci, c'est que la magie que je pratique ne va pas de paire avec les émotions. C'est ce qui s'est passé quand je t'ai contrainte à m'avouer ta malédiction.

Son regard croise celui d'Ophelia, mais celle-ci baisse vite les yeux. La magicienne devine que le sujet est encore sensible.

— Lorsque j'élabore une potion, ou dans ce cas, un enchantement, je dois laisser de côté mon affect. Parce que si je me laisse déborder, il y a de grandes chances que le résultat soit catastrophique. Et à ce moment là, j'étais encore aveuglée par ma jalousie envers ma soeur. Alors le résultat a été exactement ce qu'il devait être : désastreux.

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